L’Algérie bénéficie d’un climat très diversifié avec une hétérogénéité des conditions écologiques qui ont permis le développement d’une flore très riche et hautement variée. La flore algérienne comporte environ 3164 espèces de plantes vasculaire dont 7,9% sont endémiques appartenant à la quasi-totalité des familles botaniques. L’une de ces espèces à usage très fréquent par les populations rurales en Algérie est Pistacia lentiscus (Krishnaiah et al., 2010).
Le genre Pistacia L. appartient à une famille assez nombreuse qui comporte 875 espèces distribuées dans 70 genres, il s’agit de la famille des Anacardiacées (Alvarez et al., 2008). Ce genre apparu il ya plus de 80 millions d’années au centre d’Asie est l’un des genres le plus important dans le règne végétal de point de vue horticulture, économique et commercial (Ahmadi Afzadi et al., 2007; Al Saghir et al., 2010). Les principaux centres de diversité se situeraient maintenant d’une part dans les régions méditerranéennes du sud del’Europe, le nord de l’Afrique et le moyen orient et d’une autre part entre l’est et le centre d’Asie. Il contient neuf espèces et cinq sous-espèces, et deux groupes monophylétiques découlent d’une étude menée par Al Saghir en se basant sur la morphologie de ce genre. Le premier groupe (section Pistacia) contient P. atlantica, P .chinensis, P . eurycarpa, P. falca, P. integerrime, P. khinjuk, P. mutica, P. palaestina, P. terebinthus et P . vera, tandis que l’autre groupe (section Lentiscella) contient P. aethiopica, P. lentiscu, P . mexicana, P.texana et P. weinmanifolia (Al Saghir et al., 2010).
1. Historique
Le nom Pistacia lentiscus donné à cette plante lui vient des mots latin car Pistacia et le nom grec ʺ pistakiaʺ constituent une altération du mot ʺfoustakʺ, nom arab de l’espèce principale, et Lentiscus, vient du mot latin ʺlentiscusʺ, nom de l’arbre au mastic (Garnier et al., 1961) .
2. Systématique
La systématique du lentisque est décrite ci-dessous:
- Règne : Plantae, (végétal)
- Sous-règne : Tracheobionta
- Embranchement : Spermaphyte
- Sous-embranchement : Angiosperme
- Division : Magnoliophyta.
- Classe : Magnoliopsida
- Sous-classe : Rosidae
- Ordre : Sapindales.
- Famille : Anacardiaceae.
- Genre : Pistacia.
- Espèce : Pistacia lentiscus
3. Habitat et répartition géographique
Pistacia lentiscus est largement distribuée dans les écosystèmes extrêmes du bassin méditerranéen, notamment dans les régions ensoleillées à basse altitude, et constitue, avec les myrtes et les cistes, d’immenses broussailles appelées maquis. C’est une espèce thermophile très vigoureuse prospérant dans tous les terrains secs et arides et sur les sols en friches où sa souche repousse abondamment et drageonne facilement (Garnier et al., 1961; Baba-Aissa, 1999; Palacio et al., 2005; Abdelwahed et al., 2007; Bhouri et al., 2010).
Le lentisque se rencontre dans toutes les parties chaudes de la méditerranée de l’Europe, de l’Asie , de l’Afrique jusqu’au Canaries (Al-Saghir, 2006; Book 2008). En Algérie, P. lentiscus est très répandue dans tout le littorale et le bassin de la soummam, les régions sublittorales et jusqu’au Sahara (Belhadj, 2002; Hamlat et Hassani, 2008).
4. Les noms vernaculaires de Pistacia lentiscus
Le tableau suivant énumère les différentes appellations de la plante Pistacia lentiscus :
Tableau N°1: Noms vernaculaires de Pistacia lentiscus
5. Description morphologique
Mêlé à toutes les autres plantes qui foisonnent les longs des champs et des routes dont beaucoup sont aussi imposantes qu’elles, le lentisque se reconnaît à sa belle couleur mais particulièrement à sa très bonne odeur prononcée et unique.
Pistacia lentiscus ou l’arbre au mastic est décrite comme l’une des espèces ligneuses les plus importantes dans le bassin méditerranéen (Cortina et al., 2008). C’est un arbuste ou arbrisseau résineux à odeur très prononcée buissonnant et touffu de quelques mètres de hauteurs (1 à 6 mètres) (Garnier et al., 1961; Bayer et al., 1987; Baba- Aissa, 1999) et de nombre chromosomique de 2n = 24 (Al Saghir et al., 2010). Elle est caractérisée par ses feuilles persistantes paripennées, avec 4 à 10 paires de folioles elliptiques et lancéolées, alternées, coriaces, composées, entières et sessiles ; le rachi est ailé entre les paires de folioles . elles sont vertes foncées lavées de pourpre, luisantes en dessus mates et pâles en dessous (Garnier et al., 1961; Baba-Aissa, 1999). (Figure N°2 (d)).
Les fleurs sont toutes très petites, de 2-3 mm de large, vertes ou rougeâtres, denses, unisexuées, elles sont disposées en épis cylindriques courts, serrés, latéraux à l’aisselle des feuilles. La période de floraison s’étale d’avril jusqu’à juin. Les fleurs mâles (Figure N° 2(a)) sont à calice et à 5 pointes, de 8 à 10 petites étamines rouge foncé, qui produisent de 47000 à 60000 graines de pollens par fleurs. Quant aux fleurs femelles (Figure 2(b)), elles sont vertes jaunâtres, à calice, à 3-4 pointes, parfois un peu velues, style à 5 stigmates tricarpel et ovaire uniloculaire fourré par un seul anatrope ovule et regroupées dans une inflorescence de 4 à 21 fleurs. Les fleurs femelles ont des ovaires uni et tri-carpelles (Garnier et al., 1961; Bayer et al., 1987, Verdu et Garcia-Fayos, 1998; Baba-Aissa, 1999).
Le fruit de lentisque (Figure 2(e)) est une petite drupe sèche de 4mm de long, globuleuse et légèrement comprimée, de la taille d’un pois, d’abord rouge puis noir à maturité, le noyau renferme une seule graine (Garnier et al., 1961; Bayer et al., 1987), son écorce grisâtre devenant avec le temps noirâtre et crevassée peut atteindre 5à 6 m de hauteur et 1,80m de circonférence (Garnier et al., 1961).
6. Métabolites secondaires de Pistacia lentiscus
Comme d’autres plantes du genre Pistacia, le lentisque contient des centaines, voire des milliers de substances chimiques actives, l’analyse phytochimique des différentes parties a fait l’objet de nombreuses études via la composition des feuilles en composés phénoliques à savoir les acides phénoliques notamment l’acide gallique et ses drivés glycosylés, les flavonoïdes dont les flavones (luteoline) (Djeridane et al., 2007; López-Lázaro, 2009), (le tricine et chysoérol), les flavonols (le myricétine, la quercétine et le kaempférol), des hétérosides (l’orientine, l’isoorientine, la vitexine et la rutine) et des anthocyanins (delphinidin 3-O-glycoside et cyaniding 3-O-glucoside) (Benhammou et al., 2008; Hamlat et Hassani, 2008), mais aussi en tannins (Wei et al., 2002; Addelwahed et al., 2007; Rogosic et al., 2008). En outre, il a été rapporté que les parties aériennes sont extrêmement riches en monoterpènes, en huiles essentielles, citons myrcene, α-pinene, Terpinen-4-ol, limonène, longifolene, β-caryophellene, D-germacrene, δ-caryophyllene, δ-cadinène, α-cadinol, β – bisabolene, β -bourbonène et oxide de caryophyllèene (Castola et al., 2000; Amhamdi et al., 2009) mais aussi β-pinène ,α-phellandrène, sabinène, para-cymène et γ-terpinène (Castola et al., 2000; Fernandez et al., 2000; Dogan et al., 2003; Duru et al., 2003; Benhammou et al., 2008; Gardeli et al., 2008).
De même, les fruits sont riches en tannins, en monoterpènes (myrcène , α-pinène et limonène) (Baba-Aissa, 1999; Castola et al., 2000), en flavonoïdes et les dérivés de galloyl incluant galloyl-glucosides, ellagitannins et acide galloyl-quinic (Bhouri et al., 2010), en acides phénoliques, notamment l’acide gallique (Addelwahed et al., 2007). On trouve aussi les acides gras insaturés comme l’acide oléique et linoléique (Charaf et al., 2008).
La résine d’odeur forte, en forme jaune qui est obtenue par incision du tronc (Bayer al., 1987; Castola et al., 2000; Kordali et al., 2003) est formée de 80 à 90% d’acide masticique et de 10 à 20% de masticine (Garnier et al., 1961). L’huile essentielle de mastic est un liquide incolore, d’odeur balsamique très prononcée, cette essence est formée principalement de α-pinène, β- cymène (Castola et al., 2000; Dafrera et al., 2002) et triterpenoîdes (Assimopoulou et al., 2005) .
7. Les intérêts de l’exploitation de Pistacia lentiscus
Le lentisque est une plante exsude qui se spécifie par l’utilité de toutes ses parties (feuilles, écorces, graines et résines), elle est utilisée, soit par voie interne, en transcutanée soit en diffusion (Dogan et al., 2003; Ljubuncic et al., 2005; Delille 2007). A intérêts écologiques, industriels agroalimentaires mais aussi thérapeutiques, Cette dernière est l’une des espèces les plus importante économiquement (Ahmadi Afzadi et al., 2007; Ozden-Takatli et al., 2010).
7. 1. Intérêts écologiques
Sous les conditions climatiques méditerranéennes, Pistacia lentiscus a la capacité de pousser après les incendies et de protéger le sol de l’érosion dans les régions semi arides, cela est dû à son adaptation à la sécheresse et à la résistance aux perturbations. Elle a également la capacité élevée de s’enraciner et la plasticité de contraster la disponibilité des nutriments, et répond aisément à la faible disponibilité de l’eau en modifiant en surface des spécificités morpho-fonctionnelles (Cortina et al., 2008), sur cet effet, cette espèce prend la première place dans la listes des programmes de reboisement. De plus, la qualité de ses bois fait d’elle un bon support en ébénisterie (Ostos et al., 2008; Ozden-Tokatli et al., 2010).
7. 2. Intérêts industriels
Cette espèce présente un intérêt particulier, d’une part, les huiles essentielles extraites à partir de ces feuilles et rameaux sont utilisées dans plusieurs applications industrielles telles que la parfumerie, l’alimentation et en pharmaceutique (Longo et al., 2007 ; Amhamdi et al., 2009). D’autres part, sa résine connue sous le nom de mastic résine Chio utilisée par les anciens egyptiens pour embaumer les morts (Baba-Aissa, 1999). De nos jours, la gomme mastic est aussi employée en pâtisserie, en confiserie, comme arôme en technologie alimentaire, dans les industries cosmétologiques et pharmaceutiques, mais aussi dans l’industrie photographique et dans la fabrication de liqueurs (Barazani et al., 2003; Kivçak et Akay, 2005). Elle entre aussi dans la fabrication des pates ou des gommes à mâcher parfumées, car elle possède, entre autre, la propriété de purifier l’haleine, blanchir les dents et traiter les problèmes de gingivites (Dogan et al., 2003).
7. 3. Intérêts Thérapeutiques
7. 3.1. Les utilisations en médecine vétérinaire
Pistacia lentiscus est une plante utilisée, aussi bien en médicine traditionnelle humaine que vétérinaire, sa consommation par les moutons et chèvres diminue le risque des infections par les larves contagieuses ( Rogosic et al., 2006; Landau et al., 2010), à cet effet, l’huile du fruit qui est riche en acides gras insaturés est utilisée comme constituant des aliments du bétail (Charef et al., 2008).
7. 3.2. Les utilisations en médecine humaine.
Pistacia lentiscus constitue une source importante de substances actives, en effet, plusieurs parties de cette plante (les fruits, les écorces et les feuilles) sont utilisées en médecine traditionnelle depuis la civilisation grecque (Ljubuncic et al., 2005; Benhamou et al., 2008 ; Charef et al., 2008).
A ce jour, les feuilles frottées à l’intérieur des cruches à eau servent fréquemment à les désinfecter, afin de garder l’odeur aromatique du lentisque. La décoction des parties aériennes ou la résines sont utilisées comme un stimulant diurétique et dans le traitement d’hypertension, d’eczéma, des douleurs gastriques et les calculs rénaux, mais aussi contre les infections de la gorge, la jaunisse, l’asthme, les troubles digestifs et la diarrhée ( Kordali et al., 2003; Ljubuncic et al., 2005 ; Cortina et al., 2008; Gardeli et al., 2008; Amhamdi et al., 2009 ). De plus, la mastication soit de la résine, soit tout simplement des feuilles ou des baies de Pistacia lentiscus est utilisée aussi pour soigner les problèmes bucco-gingivaux et les douleurs gastriques (gastrites, dyspepsies), les ulcères gastriques bénins et des ulcères duodénaux (Chevallier, 1997; Janakat et Al-Merie, 2002; Dogan et al., 2003), comme elle est aussi efficace contre les affections bronchiques, la toux et les furoncles (Duru et al., 2003 ; Kordali et al., 2003; Ljubuncic et al., 2005; Balan et al., 2007; Benhammou et al., 2008; Amhamdi et al., 2009).
Dans certaines régions d’Espagne, l’écorce de cette plante serait indiqué dans le traitement d’un certains nombre de maladies telles l’hypertension ( Kordali et al., 2003; Topçu et al., 2007). En Algérie, cette plante a servi comme vulnéraire, ses feuilles sont mâchées puis appliquées sur des blessures, ses fruits, employés contre les irritations (BabaAissa, 1999) et ces huiles essentielles utilisées dans le traitement des troubles respiratoires (Tounes et al., 2008).
8. Activités biologiques de Pistacia lentiscus
Récemment, les études pharmacologiques qui ont été effectuées sur Pistacia lentiscus ont rapporté, que les composés contenus dans cette plante ont de multiples activités biologiques ( Dogan et al., 2003) à savoir : antioxydants, anti-inflammatoire, antipyrétique, antibactérienne ,antivirale et anticancéreus …etc (Duru et al., 2003; Kordali et al., 2003; Ljubuncic et al., 2005; Balan et al., 2007; Benhammou et al., 2008; Amhamdi et al., 2009), qui sont résumées dans le tableau suivant :
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