Dans de nombreux pays (Europe, États-Unis et Océanie), la production laitière a été développée grâce à une structuration des filières laitières avec une spécialisation des races laitières et une concentration de l’activité d’élevage sur le bovin laitier. Cela a conduit à l’amélioration des rendements laitiers par vache, l’augmentation des tailles de troupeaux laitiers et une diminution du nombre d’éleveurs laitiers (PESLERBE, 2006).
Les pays développés sont devenus des exportateurs nets de produits laitiers alors que les pays émergents (Mexique, Malaisie, Venezuela, Algérie, etc.) restent encore de grands importateurs et ce, en raison des coûts de production très élevés associés à une productivité faible.
De part ses qualités nutritionnelles, le lait est considéré comme un aliment complet qui apporte des protéines animales de bas prix contrairement aux autres protéines animales (notamment les viandes) qui sont obtenues à prix excessifs. Ainsi, le lait constitue avec les céréales et certains légumes, la ration alimentaire de base de larges couches de la population algérienne.
Au Maghreb, l’Algérie occupe le premier rang du point de vue de la consommation de lait et produits laitiers qui sont satisfaits à la fois par une production locale insuffisante et des importations de matières premières laitières (poudres de lait). Cette situation est souvent liée au fait que la filière lait en Algérie se caractérise encore par une production laitière locale insuffisamment collectée et des professions faiblement intégrées (BENYOUCEF, 2005). D’où un recours à des importations de poudres de lait qui pèsent lourdement sur l’économie du pays (750 millions USD selon la FAO, 2005).
En effet, la production laitière nationale était évaluée en 2000 globalement à 1,5 milliard litres d’équivalent-lait (MADR, 2009) n’arrive pas actuellement à couvrir la demande estimée à 3,4 milliards litres d’équivalent lait. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande persiste malgré la sensible augmentation de la production laitière locale annoncée en 2007 à hauteur de 2,2 milliards litres d’équivalent lait avec un taux de croissance de 8% et une consommation moyenne de l’ordre de 100 à 110 litre/habitant/an (MADR, 2009). Plusieurs actions ont été menées par les pouvoirs publics pour réduire ce déficit dans le du programme national de réhabilitation de la production laitière.
Dans les zones intérieures et notamment les wilayas éloignées du Sud du pays, le déficit en laits et produits laitiers est relativement élevé qui semble s’expliquer par des considérations particulières liées au faible approvisionnement laitier des villes du Sud et à leur production locale fortement influencée par des conditions naturelles d’adaptation des races animales introduites (BENYOUCEF, 2008).
Compte tenu du caractère localisé des systèmes agraires oasiens, l’enjeu consiste à raisonner un programme de développement de la production laitière qui peut s’appuyer sur l’intégration des activités liées aux cultures et aux élevages laitiers. En effet, les productions agricoles oasiennes sont confrontées aux contraintes de superficies mais aussi à la qualité des sols qui peut être améliorée grâce à la matière organique fournie notamment par le cheptel (effluents d’élevage) qui valorise des sous-produits des cultures (écarts de triage des dattes, fanes de légumes, etc.).
Dans le Sud algérien, la production laitière ne couvre pas la totalité des besoins de consommation de la population locale. L’introduction de races bovines laitières dans des périmètres de mise en valeur ne semble pas apporter de solutions aux problèmes d’approvisionnement laitiers des villes oasiennes. Un développement intégré des élevages d’autres espèces laitières s’avère prioritaire pour contribuer à réduire le déficit laitier dans les oasis algériennes.
Face à ces exigences et compte tenu des structures des exploitations dans le Sud du pays, les élevages caprins et camelins peuvent être associées aux élevages bovins laitiers car ils s’avèrent être un matériel animal approprié pour les projets de développement agricole oasien.
Dans le contexte oasien de la wilaya d’Adrar, la société humaine est généralement de type rural, régie par des lois traditionnelles (droit coutumier) qui pratique un mode d’exploitation de l’espace avec une organisation sociale spécifique qui a pu maintenir les oasis en état de viabilité et de durabilité depuis des millénaires. Donc, des considérations sociales ont imprimé des activités agricoles et d’élevage qui méritent d’être étudiées dans ce magister.
Dans une première partie, le présent travail passe en revue une synthèse bibliographique ciblée sur des aspects relatifs au secteur laitier dans le monde puis en Algérie et de façon particulière le problème laitier dans les régions sahariennes dont fait partie la wilaya d’Adrar.
Dans une deuxième partie, l’objectif visé consiste à contribuer à établir une typologie des exploitations d’élevages laitiers dans la wilaya d’Adrar en cherchant à faire une étude d’approche sur les stratégies des éleveurs pour introduire et/ou développer l’activité laitière dans leurs systèmes de production. Il s’agit en fait de :
- Tenter d’établir des typologies sur la diversité des exploitations laitières à partir des données d’enquêtées réalisées en 2009 dans la wilaya d’Adrar
- Caractériser les types d’exploitations enquêtées qui participent dans le développement de la production laitière selon les modes d’élevages laitiers observés dans cette wilaya.
Conclusion Générale
Le présent travail de magister réalisé dans la wilaya d’Adrar, est une tentative d’introduction d’études de caractérisation des exploitations laitières dans les wilayas du Sud Algérien dans le but de contribuer à l’amélioration de la mise en place progressive du segment de production d’une filière lait qui paraît fortement lié aux modes d’élevages pratiqués et aux espèces animales exploitées.
La position géographique de la wilaya d’Adrar la place dans un contexte d’extrême aridité où les activités d’élevages laitiers se concentrent principalement dans deux environnements (élevages dans les oasis et élevages dans les périmètres de mise en valeur) et secondairement dans l’environnement extrêmement difficile (élevages nomades sahariens).
La problématique de la production laitière destinée à l’approvisionnement de masse des villes et agglomérations de la wilaya d’Adrar a été approchée par enquêtes réalisées de façon progressive selon les espèces animales rencontrées dans cette wilaya.
En effet, compte tenu du fait que le lait de vache est le plus commercialisé en masse dans les villes et même dans le sud-algérien, l’étude a tenté de réaliser des enquêtes d’élevages laitiers axées d’abord sur les exploitations qui pratiquent l’élevage bovin puis sur une généralisation aux exploitations d’élevages utilisant d’autres espèces animales (caprins, ovins et camelins).
En raison des contraintes de mise à disposition, voire d’absence d’informations et données économique et financières sur les segments de production, collecte et transformation de la filière lait dans la wilaya d’Adrar, le présent magister a été orienté vers l’étude qui a consisté à envisager l’établissement de typologies techniques sur des exploitations laitières enquêtées en tenant compte des espèces et races animales dans leur environnement d’exploitation.
Selon les modes d’élevage dans les exploitations enquêtées (n= 115) pour le besoin de ce travail de magister, l’établissement de typologies a permis d’obtenir les résultats suivants :
- Le mode d’élevage dans les périmètres de mise en valeur regroupe 64 exploitations qui répartissent en trois types : le type 1 “TYET1” représenté par 3 exploitations d’une superficie moyenne de 90,7 ha et d’un nombre de vaches laitières de 9 têtes assurant une production laitière moyenne de 86,7 litres par jour. Une seule exploitation constitue le type 2 “TYET2” avec une SAU totale de 310 ha et un troupeau diversifié de 2 vaches laitières ; 31 chèvres et 10 chamelles produisant ensemble 30 litres de lait cru par jour. Enfin, 60 exploitations appartient au type 4 “TYET4” qui ont une SAU moyenne de 14 ha, un effectif bovin varie de 0 à 8 têtes et un effectif caprin varie de 0 à 31 têtes, la production laitière ne dépasse pas les 5 litres par
- Les modes d’élevages familiaux dans et hors palmeraies: se comprend 44 exploitations enquêtées qui s’inscrivent dans le type 4 et semblent se rapprocher des 60 exploitations enquêtées des périmètres de mise en
- Le mode d’élevage nomade : avec 7 élevages enquêtés dont deux constituent un type à part (TYET3) avec un nombre moyen de chamelles présentes de 60 têtes ainsi que d’un nombre moyen de chèvres de 6 têtes. Globalement, la production laitière journalière ne dépasse pas les 30 litres. Enfin, les autres élevages (n=5) appartiennent au quatrième type d’exploitations enquêtées (TYET4).
Les exploitations d’élevages enquêtées sont de superficies variables dans les périmètres de mise en valeur (variation de 2 à 310 ha) et de taille très réduite dans les palmeraies (0,7 ha en moyenne). Par conséquent, les effectifs de vaches laitières dans les exploitations enquêtées sont également très variables à cause des contraintes d’adaptation au climat et des contraintes de reproduction (absence de la technique d’insémination artificielle) ;
Ce travail d’approche reste en lui-même nécessaire et a permis d’obtenir des résultats préliminaires techniques par enquêtes dans la wilaya concernée et qui mettent en relief les aspects suivant :
- Mise en évidence d’activités de polycultures et de polyélevages ;
- Ils indiquent l’existence d’élevages mixtes (présence de plusieurs espèces animales dans la même exploitation) ;
- Absence d’usines laitières et de réseaux de collecte de lait produit localement;
- Importance de l’autoconsommation familiale de lait ;
- Commercialisation du lait en vrac par les producteurs laitiers eux-mêmes ;
- Prédominance du soutien de l’Etat pour les filières végétales lait ;
- Faiblesse voire absence du soutien de l’Etat pour les filières animales et notamment pour les éleveurs laitiers enquêtés ;
- Absence de structures et de réseaux d’appui technique aux élevages laitières ;
- Le soutien de l’Etat semble se concentrer surtout sur les élevages laitiers d’autres wilayas et notamment celles du Nord du pays ;
- Quand le soutien existe dans une wilaya, le développement de la production laitière met l’accent sur l’administration des prix du lait à la production et à la consommation. Ce n’est pas le cas de la wilaya d’Adrar.
- Les résultats de ce magister montrent que les services concernés par le développement de l’élevage dans la wilaya d’Adrar ne semblent pas prendre en considération les aspects socio- économiques et techniques de l’exploitation laitière pour lui permettre de recevoir l’appui technique qui lui est nécessaire. C’est encore plus évident dans le contexte du Sud Algérien ;
- Les aspects organisationnels liés à une filière sont totalement inexistants dans l’environnement des élevages enquêtés dans la wilaya d’Adrar ;
- Les exploitations enquêtées se trouvent dans un environnement caractérisé par de fortes contraintes d’approvisionnement en facteurs de production (absence de coopératives d’élevage et de transformateurs industriels). Cela rend extrêmement difficile l’application de techniques de valorisation des troupeaux laitiers dans une perspective de production et de livraison de lait pour la transformation
- L’existence dans des exploitations enquêtées, de plusieurs espèces animales semble expliquer la nécessité pour l’éleveur de se prémunir contre les aléas de
Cette coexistence de plusieurs espèces animales dans les exploitations a été observée aussi bien en palmeraies et dans les périmètres de mise valeurs enquêtés ;
- Les observations mettent en relief le recours des éleveurs enquêtés dans la wilaya d’Adrar aux activités polyvalentes pour subvenir aux besoins de l’autoconsommation familiale de lait mais aussi pour exploiter d’autres espèces animales pour la production de viande. Le comportement de ces agro-éleveurs semble se justifier par la nécessité de s’adapter aux contraintes d’environnement en tentant de réaliser divers revenus, autres que la production laitière ;
Les enquêtes d’exploitations menées dans la wilaya d’Adrar pour ce magister mettent en évidence l’absence de prémices d’une filière laitière oasienne à segments organisés et différenciés à cause peut-être de la localisation de cette wilaya. Cette situation, est-elle due aussi à l’absence de concertation entre les investisseurs dans le domaine de l’élevage laitier dans cette wilaya d’étude ?
Les typologies d’exploitations d’élevages enquêtés sur des paramètres structurels indiquent la nécessité et l’intérêt d’introduire des approches méthodologiques en vue d’analyser la diversité des exploitations laitières dans le contexte du Sud algérien à but d’inciter et d’orienter vers la mise en place de tous les segments d’une filière laitière adaptée et organisée.
Dans ce contexte en général et dans la wilaya d’Adrar en particulier, il est utile de rappeler qu’il est indispensable d’encouragement les investissements qui permettent de produire, collecter et transformer industriellement un produit aussi vital que périssable comme le lait.
Cela exige l’intégration des activités des services agricoles et professionnels pour assurer le développement et la préservation des productions animales en général et de la production laitière dans l’environnement oasien.
Source:
BOUBEKEUR, Abderrahmane 2010 , Essai d’établissement de typologies d’exploitations d’élevages laitiers dans le contexte du Sud Algérien.