Caractéristiques et évaluation de la phase d’affinage du fromage à pâte molle

Caractéristiques et évaluation de la phase d’affinage du fromage à pâte molle
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1. Introduction

L’affinage correspond à diverses transformations biochimiques (protéolyse, lipolyse, glycolyse…) (Tableau V) qui résultent de l’activité des enzymes natives du lait ou de celles qui sont issues de micro-organismes rajoutés à ce dernier en vu de sa transformation en fromage (bactéries lactiques et moisissures, tableau VI).
Ce sont ces modifications souhaitées qui sont responsables de la maturation du coagulum et de l’obtention d’un produit dérivé ayant des caractéristiques organoleptiques recherchées.

2. Les facteurs de variation de laffinage

Les facteurs susceptibles d’agir sur le développement des micro-organismes, la production des enzymes et l’activité enzymatique peuvent influer de façon déterminante sur le processus de maturation de la pâte fromagère.
Parmi ces facteurs, il y’a lieu de citer notamment les effets de l’aération et de la composition de l’atmosphère, de l’activité de l’eau, de la température et enfin du pH (ECK, 1990).
Tableau V : Les grandes transformations biochimiques au cours de laffinage selon BERTRAND (1988).
Tableau V : Les grandes transformations biochimiques au cours de l’affinage selon BERTRAND (1988).
Tableau VI : Principaux groupes microbiens intervenant au cours de laffinage du Camembert daprès LENOIR et al (1983)
Tableau VI : Principaux groupes microbiens intervenant au cours de l’affinage du Camembert d’après LENOIR et al (1983)

2.1. Laération et la composition de latmosphère

Les besoins en oxygène des micro-organismes sont variables. Certains (comme les bactéries propioniques) sont anaérobies stricts.
Ces germes se développent seulement à l’intérieur de la pâte.
D’autres sont micro-aérophiles dans le sens où ils se cultivent mieux dans un milieu à teneur limitée en oxygène.
C’est le cas notamment des bactéries lactiques, particulièrement les lactobacilles.
D’autres enfin, sont strictement aérobies.
Ils ne peuvent se développer qu’ en surface des fromages (cas des moisissures, levures, microcoques et bactéries corynéformes).
Les fromages affinés sous l’action de ces derniers sont, selon CHOISY et al (1984), de petit format.
La composition de l’atmosphère peut également intervenir sur le phénomène d’affinage. Ainsi, l’ammoniac présent dans les caves d’affinage des pâtes molles participe à la neutralisation de la partie superficielle du fromage. Il contribue par-là à favoriser le développement et l’action de la flore bactérienne de surface (RIBADEAU-DUMAS ; VASSAL et GRIPON, 1984).

2.2. Lactivité de leau

L’activité de l’eau (aw) est un facteur important dans le développement microbien et dans l’expression de l’activité enzymatique, car un abaissement à un taux inférieur à 0,5 ralenti cette activité et ne permet pas la multiplication des micro-organismes (il y’a augmentation de la phase de latence et diminution sélective de la vitesse de croissance), ACKER (1996).
Par contre, SCHLESSNER et al (1992) constatent que cet abaissement de l’aw contribue à l’augmentation de la fermeté du fromage. L’effet de la teneur sélective du sel (qui est un des facteurs régulateur de l’aw) sur le développement des moisissures en surface des pâtes molles est bien connu. Un salage assez prononcé limite ou même empêche la croissance de Geotrichum candidum sans affecter notablement celle de Penicillium (GUEGUEN et al, 1974). Le salage diminue aussi l’activité des enzymes (lipases et protéases notamment) dans le fromage type Camembert.
Il a été montré, par KIKUSHI et TAKAFUJI (1971), qu’un taux de sel de 4% en poids entraîne une diminution sensible du degré de protéolyse de 40% après vingt jours d’affinage.

2.3. La température

C’est un facteur régulateur important de la croissance microbienne et de l’activité enzymatique.
Néanmoins, chaque type de réaction particulière nécessite une gamme de température optimale.
En effet, les moisissures se développent favorablement à 20-25°C, les bactéries lactiques mésophiles à 30-35°C.
L’optimum d’activité pour les lipases se situe entre 30 et 35°C alors qu’il est plus élevé dans le cas des protéases (40–45°C), (MIETTON, 1994).
Aux basses températures, cette activité peut être encore appréciable, notamment dans le cas des lipases. Ainsi, il a été montré que la lipase de Penicillium Camemberti conserve 50% de son activité maximale à 1°C (LAMBERET et LENOIR, 1976).

2.4. Le pH

L’influence du pH sur le développement microbien et l’activité enzymatique est particulièrement déterminante.
Parmi les micro-organismes, seules les bactéries lactiques, les levures et les moisissures peuvent se développer à pH inférieurs à 5.
L’activité des enzymes est aussi très sensible aux variations de pH. Il a été observé que l’activité maximale de la plupart des protéases microbiennes, se situe dans l’intervalle de pH 5–7,5 et celle des lipases dans la zone 7,5–9,0.
Au dessous de pH 4,5, la stabilité de nombreuses enzymes est par contre fortement réduite (MIETTON, 1995).
Dans le Camembert, le caillé en fin d’égouttage a un pH voisin de 4,5.
Un tel pH ne permet ni le développement des microcoques et des corynebactéries (agents de maturation), ni une action suffisante des protéases. En outre, il limite les interactions protéines–minéraux et protéines-eau qui contribuent à conférer à la pâte fromagère une texture souple et homogène.
C’est pour cette raison qu’une certaine neutralisation du caillé est donc nécessaire.
Celle-ci est assurée par le développement des moisissures qui utilisent le lactate comme source de carbone.

3. Les modifications biochimiques au cours de laffinage 

3.1. Fermentation du lactose

Le lactose peut être métabolisé par de nombreux micro-organismes présents dans le lait et les pâtes fromagères. Ce diholoside est clivé par la b galactosidase en glucose et galactose.
Ces deux sucres sont ensuite dégradés selon la voie principale des hexoses phosphates (voie de Embden-Meyerhof) et secondairement selon la voie des pentoses phosphates (Figure 3).

Figure 3 : Catabolisme du lactose chez les streptocoques lactiques et les leuconostoc (COGAN, 1980).
Figure 3 : Catabolisme du lactose chez les streptocoques lactiques et les leuconostoc (COGAN, 1980).

Selon (ECK, 1990), le lactose est métabolisé très tôt dans la pâte du Camembert.
Les moisissures dégradent rapidement les lactates et leur évolution est particulièrement importante entre le quatrième et le septième jour Il est à noter que la dégradation des lactates provoque la neutralisation de la pâte et joue un rôle important dans la métabiose du fromage.
Il a été montré par THOMPSON et al (1978), que dans un milieu carencé en sucre comme les pâtes fromagères, le métabolisme énergétique des bactéries lactiques peut être perturbé et donner naissance à des quantités importantes de divers composés carbonés tels que l’acide formique, l’acide acétique et l’éthanol.
Ces derniers participent néanmoins à la formation de l’arôme et de la flaveur. MIETTON, (1995) signale aussi que quand la teneur en lactose est trop élevée au démoulage et/ou dans le cas où elle n’est pas rapidement réduite, les bactéries lactiques, même après salage continuent leur métabolisme en provoquant une post-acidification génératrice des défauts de “cœur blanc”, de “coulage sous croûte” et d’amertume.

3.2. Hydrolyse de la matière grasse : La lipolyse

La matière grasse du lait, participe dans la phase d’affinage à la formation des caractéristiques organoleptiques particulièrement reconnues pour le cas du Camembert.
La dégradation de cette matière grasse ou lipolyse peut être due à l’action de la lipase naturelle du lait (notamment dans les fromages au lait cru) et à celle des lipases d’origines microbiennes. Ces agents permettent de transformer les triglycérides en glycérides partiels et acides gras.
CHOISY et al (1984) mentionnent que tous les micro-organismes sont susceptibles de produire des lipases mais en quantités plus ou moins importantes selon les espèces ou les souches. Les micro-organismes des fromages les plus lipolytiques sont les moisissures. En effet, Penicillium Camemberti produit une lipase alcaline exocellulaire (DESNOUVEAUX et al, 1986).
Selon MOLIMARD et al (1997), cette lipase constitue l’agent principal de la lipolyse du Camembert qui est plus intense dans la partie superficielle (où elle peut atteindre 30 %) qu’au centre du fromage (KUDZAL-SAVOIE, 1982).

3.3. La protéolyse

C’est le phénomène le plus important de la phase d’affinage car il affecte à la fois la texture et la saveur.
LENOIR et al (1983), font observer qu’en partant du caillé égoutté qui contient 4–8 % de substances azotées solubles dans l’eau, on arrive en fin de maturation, dans les hâloirs, à un fromage présentant 20 à 50 % de substances azotées.
Il s’agit d’une digestion progressive comparable à celle qui se produit dans le tube digestif des animaux, mais qui reste limitée. Globalement, cette protéolyse a deux conséquences :
– la pâte fromagère devient plus molle et plus onctueuse ;
– il y’a production de métabolites qui confèrent un arôme et une saveur particulière au fromage (ECK,1990).

3.3.1. Mécanisme général de la dégradation

Au cours de la maturation du Camembert dans les hâloirs, il y’a hydrolyse enzymatique progressive des caséines en peptides (de tailles variables) et en acides aminés libres.
Les travaux réalisés sur le suivi de cette étape de protéolyse ont montré que les caséines sont d’abord clivées (aux premiers jours d’affinage) aux niveaux des sites préférentiels d’attaques (figures 4, 5, 6 et 7), relativement réduits par protéine.
Les autres coupures hydrolytiques interviennent avec le prolongement de la phase d’affinage.
Il a été aussi relevé que les produits de dégradation (notamment les acides aminés libres) sont repris par d’autres réactions pour la synthèse de divers métabolites (figures 8) dont certains participent à l’élaboration des caractéristiques organoleptiques particulières du Camembert (ADDA et DUMONT, 1974 ; DUMONT et al, 1976 ; TRIEU-CUOT et al, 1982 ; PELISSIER, 1984 ; MIRANDA et GRIPON, 1986).

3.3.2 les enzymes protéolytiques et leurs actions

Les enzymes protéolytiques intervenants en cours de maturation et d’affinage des fromages ont des origines diverses :
– les protéases indigènes ou natives du lait telles la protéase alcaline, la protéase acide… ;
– les protéases exogènes rajoutées au lait dans le but de le coaguler telles la présure ou les substituts de l’enzyme coagulante ;

Figure 4 : Structure primaire de la caséine b A2 bovine (d’après RIBADEAUDUMAS et al, 1972)
Figure 4 : Structure primaire de la caséine b A2 bovine (d’après RIBADEAUDUMAS et al, 1972)

 
Figure 5 : Structure primaire de la caséine kA et kB bovine (d’après MERCIER et al, 1973)
Figure 5 : Structure primaire de la caséine kA et kB bovine (d’après MERCIER et al, 1973)

 
Figure 6 : Structure primaire de la caséine as1 B bovine (d’après MERCIER et al, 1971) (1)dans la caséine as0 , le résidu séryle 41 est phosphorylé.
Figure 6 : Structure primaire de la caséine as1 B bovine (d’après MERCIER et al, 1971)
(1)dans la caséine as0 , le résidu séryle 41 est phosphorylé.

 
Figure 7 : Structure primaire de la caséine as2 bovine (d’après BRIGNON et al, 1977) Phosphorylation possible des résidus 3, 31, 66, 130 et 154.
Figure 7 : Structure primaire de la caséine as2 bovine (d’après BRIGNON et al, 1977)
Phosphorylation possible des résidus 3, 31, 66, 130 et 154.

Figure 8 : Schéma général de dégradation microbienne des acides aminés au cours de l’affinage (HEMME et al, 1982).
Figure 8 : Schéma général de dégradation microbienne des acides aminés au cours de l’affinage (HEMME et al, 1982).

– les protéases endogènes apportées par les micro-organismes du lait (qui subsistent après la pasteurisation).
Ces micro-organismes interviennent soit par la libération dans le caillé d’enzymes extracellulaires, soit, après leur lyse, par les enzymes intracellulaires ou liées à leurs enveloppes (DESNOUVEAUX, 1986).

3.3.2.1. La protéase alcaline (plasmine)

Cette protéase native du lait présente de fortes analogies avec la plasmine sanguine.
Elle appartient au groupe des sérine-protéases et présente une activité de type trypsique.
Elle montre une activité maximale à 37°C et à pH 7,4 – 8,0 (HUMBERT et ALAIS, 1979).
Cette enzyme présente une thermorésistance relativement élevée.
En effet, selon SNOEREN et al (1979), 20% de l’activité protéolytique sont conservés à pH 7 après chauffage du lait à 70°C/ 10 min. La protéase alcaline dégrade préférentiellement la caséine b en caséines g 1, g 2, g3 et protéose-peptones ainsi que la caséine a s2 (ANDREWS, 1979).
La caséine k est la plus résistante à la protéolyse. Cette enzyme est sans effet sur les protéines du lactosérum (ANDREWS, 1979).

3.3.2.2. La protéase acide

Cette protéase présente une activité maximale à pH 3,5 – 4,0 et à 50°C. Elle agit préférentiellement sur la caséine as1 (NOOMEN et al, 1978), sa spécificité sur la caséine k est comparable à celle de la chymosine (KAMINOGAWA et al, 1972).
Sa stabilité thermique est assez élevée car un chauffage à 70 °C pendant 10 minutes est nécessaire pour l’inactiver (CHOISY et al, 1984).

3.3.2.3. La présure

La présure (ou son composant majoritaire la chymosine), qui est une endopeptidase appartenant au groupe des carboxyl-protéases, est le premier agent à intervenir dans les mécanismes d’hydrolyse de la caséine.
En effet, elle est rajoutée au lait pour qu’elle intervienne dans la phase de coagulation en clivant spécifiquement la caséine k au niveau de la liaison PHE105-MET106.
Cette enzyme exerce au cours de l’affinage, une action de protéolyse générale sur les caséines a s1 et b.
Deux liaisons sont particulièrement sensibles sur la caséine as1.
Il s’agit de : Phe 23 – Phe24 et Phe24 – Val25 dont la rupture produit les peptides 24 – 199 et 25 – 199 qui sont moins hydrophobes que la caséine as1 (VISSER et GROOT–MOSTERT, 1977).
Selon ces  auteurs, la coupure de ces liaisons pourrait contribuer aux modifications de texture que l’on observe au cours de l’affinage.
Il faut toutefois remarquer que la caséine as2 et la caséine b sont très résistantes à l’action de la présure (GREEN et FOSTER, 1974).

3.3.2.4. les protéases dorigine microbienne

Les enzymes coagulantes d’origine microbienne se révèlent plus protéolytiques que la présure de veau (VISSER et DE GROOT-MOSTERT, 1977). En effet, elles dégradent plus tôt et plus rapidement la caséine b, alors que la présure de veau ne la dégrade que très faiblement (DESNOUVEAUX et al, 1986).

3.3.2.4.1. La flore psychrotrophe

Les bactéries psychrotrophes du lait cru sont essentiellement des bactéries Gram négatif, se multipliant à une température inférieure à 7°C et dont le genre le plus représentatif est Pseudomonas fluorescens (LAW, 1979).
DE BEUCLAR et al (1977), ont montré que les protéases des bactéries psychrotrophes présentent une action comparable à celle de la présure.
Elles attaquent préférentiellement la caséine k, puis la caséine b et enfin la caséine as1. Les protéines du lactosérum non dénaturées sont insensibles à l’action de ces enzymes.

3.3.2.4.2. La flore lactique

Constituant la flore dominante de la plupart des fromages, les bactéries lactiques sont des micro-organismes assez hétérogènes qui se caractérisent par une production de quantité plus ou moins importante d’acide lactique.
Ces bactéries regroupent un certain nombre d’espèces appartenant aux genres Streptococcus, Lactobacillus et Lactococcus.
Il a été montré que l’équipement protéolytique des levains lactiques est faible en comparaison avec celui d’autres groupes bactériens qui est varié et complexe : protéases intra et extra- cellulaires, peptidases intra et extra-cellulaires (THOMAS et MILLS, 1981 ; EXTERKATE, 1983).
VISSER (1977), signale que les bactéries lactiques présentent une action complémentaire à celle de la présure lors de l’affinage.
En effet, cette enzyme provoque une première dégradation limitée des caséines en peptides de haut poids moléculaire, suivie d’une protéolyse en peptides plus petits et en acides aminés libres.
La caséine as1 (ou son produit de dégradation par la présure) est principalement attaquée par ces bactéries (DESMAZEAUD et al, 1976).

3.3.2.4.3 La flore secondaire

Les microcoques constituent l’essentiel de la population non lactique dans les fromages. Certaines corynébactéries et streptocoques du groupe D peuvent également être retrouvés (SCHMIDT et LENOIR, 1978).
Le rôle exact de la flore secondaire dans la dégradation des protéines a été peu étudié et, de ce fait, est moins connu. Cependant, des exopeptidases, qui ont été décrites chez différentes espèces, libèrent des acides aminés dans les fromages à pâte molle (DESMAZEAUD, 1978).

3.3.2.4.4. Les protéases des levures

Se développant surtout en surface des fromages au cours des 10 premiers jours de maturation, elles sont douées d’une activité protéolytique intracellulaire appréciable mais variable selon les espèces et les souches.
Elles semblent jouer un rôle complexe et significatif dans l’affinage du Camembert (DESNOUVEAUD et al, 1986). Le système protéolytique des levures est particulièrement apte à la libération de petits peptides et d’acides aminés (SCHMIDT, 1982).

3.3.2.4.5. Les protéases de la flore fongique

GRIPON et al (1977) mentionnent que les moisissures jouent un double rôle au cours de l’affinage.
D’une part, elles neutralisent les pâtes par désacidification des caillés et par production d’enzymes, d’autre part, elles participent activement aux dégradations qui dominent le processus d’affinage.
Selon LENOIR et AUBERGER (1977), Penicillium Camemberti (moisissure type de ce fromage) synthétise deux endopeptidases : une métallo-protéase et une aspartyl-protéase ainsi que plusieurs exopeptidases à activité carbopeptidasique et aminopeptidasique.
Ces endopeptidases dégradent profondément les caséines as1 et b dans le Camembert pour produire des peptides de haut et de bas poids moléculaire et des acides aminés.
Les activités de ces deux enzymes restent faibles à l’intérieur du fromage alors qu’elles atteignent des niveaux sensiblement élevés en surface (DESMAZEAUD et al, 1976).

3.3.3 . Modes dévaluation de lactivité protéolytique

Dans la complexité des diverses réactions de transformations qui ont lieu au cours de l’affinage des fromages, il n’est pas toujours aisé de mettre en oeuvre des approches expérimentales qui puissent rendre compte de la nature et de l’importance de ces réactions.
Néanmoins, et afin d’évaluer et de suivre cette étape, particulièrement au niveau de sa phase principale qui est l’activité protéolytique, différentes méthodes analytiques sont proposées avec une variabilité dans leur facilité de mise en œuvre, leur performance et leur coût.
Nous nous limiterons dans ce qui suit à énumérer certaines d’entre-elles, parmi les plus utilisées pour l’analyse et la quantification de la protéolyse du Camembert au cours de la phase d’affinage.

3.3.3.1. Extraction de léchantillon

 L’extraction sélective de l’échantillon à analyser est souvent réalisée par des techniques telles : la précipitation par les sels ou les solvants organiques, la filtration (et/ou l’ultrafiltration) et la dialyse.
Les échantillons protéiques sont ainsi séparés des autres contaminants qui se trouvent dans le milieu (lactose, matière grasse, sels…).

3.3.3.2. Analyse quantitative

Un grand nombre de protocoles quantifient l’azote dans les fractions protéiques par la méthode de KJELDAHL (WALLACE et FOX, 1994).
En effet, cette dernière qui convient à l’analyse de plusieurs types de protéines (sériques, micellaires, membranaires…etc) est d’une grande précision avec une bonne reproductibilité mais, elle demeure une méthode relativement laborieuse à mettre en œuvre avec l’emploi de réactifs potentiellement dangereux.
D’autres évaluations indirectes sont à ce titre proposées. Elles consistent dans leur principe à :
– la mise en évidence de liaisons particulières (méthode de Biuret) ;
– l’exploitation de l’absorption des rayonnements (absorption dans l’ultra- violet, dans l’infrarouge, fluoromètrie …) ;
– l’évaluation de radicaux fonctionnels (méthode de LOWRY, méthode de BRADFORD, méthode de fixation de colorant…etc) ;
– enfin, l’utilisation de réactions immunologiques spécifiques.
Parmi ces approches, dont chacune présente un certain nombre d’avantages et d’inconvénients, la méthode de LOWRY et al, (1951) est l’une des techniques les plus utilisées car présentant l’avantage d’être sensible et facile à mettre en œuvre.
De plus, elle est bien corrélée à la méthode de KJELDAHL (GUILLOU et al, 1986 ; KAMINOGAWA et al, 1986 ; DELOBETTE et al, 1991).
Au niveau de cette voie d’évaluation, BOUTON et GRAPPIN (1994), ont utilisé le réactif de Folin-Ciocalteu pour le dosage des peptides solubles dans l’acide chloracétique.
Néanmoins, ce réactif semble moins sensible que l’acide 2,4,6 – trinitrobenzène – sulfonique (TNBS) qui réagit avec les amines primaires pour produire un composé chromophore qui absorbe à 420 nm (optimum).
La réaction est réalisée à pH alcalin et est stoppée par diminution du pH (ARDO et MEISEL, 1991).

3.3.3.3. Analyse qualitative :

3.3.3.3.1. les techniques électrophorétiques

L’électrophorèse est le déplacement (migration préférentielle) de particules chargées dans un champs électrique.
C’est une technique analytique ou préparative de haute résolution qui peut être réalisée sur plusieurs supports (l’amidon, l’agarose, l’acétate de cellulose, le polyacrylamide…etc).
Ces techniques permettent de suivre la protéolyse des protéines et donnent des informations sur les produits de dégradation (Mc SWEENEY et FOX, 1997).
Les systèmes de séparation monodimensionnels sur gel de polyacrylamide (PAGE) sont à ce titre les plus résolutifs et les plus utilisés par les chercheurs en raison des multiples avantages que présente ce gel en plus du fait qu’il peut servir lui-même de tamis moléculaires.
Ainsi l’électrophorèse en conditions dissociantes et dénaturantes en présence d’urée et de b –mercaptoéthanol (PAGE-Urée) est souvent utilisée pour suivre le degré de dégradation des caséines au cours de la maturation du fromage.
Alors qu’en présence de détergent ionique du type dodécyl-sulfate de sodium (SDS), l’électrophorèse PAGE-SDS qui en résulte est appropriée pour mettre en évidence les produits issus de la protéolyse de ces caséines.
Avec ce type d’évaluation qualitative, TRIEU- CUOT et GRIPON, (1982) ont utilisé une électrophorèse bidimensionnelle en réalisant une isoélectrofocalisation (IEF) dans une première dimension et une PAGE-SDS dans l’autre dimension perpendiculaire.
Ce système combiné assure une analyse plus performante pour peu que les spots obtenus soient quantifiés par densitométrie.
Par ailleurs, afin d’améliorer la précision et la sensibilité électrophorétique, TIRELI, (1998) a utilisé une électrophorèse capillaire qui se caractérise par une séparation électrophorétique des composés dans un fin capillaire et leur révélation par l’entremise d’un système approprié analogue à celui de la chromatographie liquide à haute pression (HPLC).

3.3.3.3.2 Les méthodes chromatographiques

Les séparations chromatographiques réalisées dans le but d’analyser les peptides issus de la protéolyse au cours de l’affinage sont de plusieurs types : perméation sur gel, échange d’ion, interaction hydrophobe et chromatographie en phase gazeuse.
En basse pression atmosphérique, ces méthodes présentent certaines limites notamment en ce qui concerne la séparation des produits d’hydrolyse ayant des poids moléculaires (PM) faibles.
Pour cette raison, on a recours de plus en plus aux chromatographies se déroulant à des pressions plus élevées (des dizaines de Bars) qui permettent de séparer et de quantifier des fragments de faibles PM.
Ainsi, en phase normale, la chromatographie échangeuse d’ions à haute performance (HPLC) est utilisée pour l’analyse des aminoacides libres dans le fromage. C’est une méthode précise qui requière de petites quantités d’échantillons.
Les aminoacides sont souvent détectés par dérivation post-colonne utilisant la ninhydrine (Mc SWEENEY et FOX, 1997). La chromatographie en phase inverse (RP–HPLC), est aussi une méthode de choix pour suivre l’évolution de la protéolyse des fromages.
La détection se fait généralement par spectrophotométrie UV à 280 nm.
Un gradient d’élution avec acétonitrile/eau est souvent utilisé. En opérant un choix de colonnes appropriées (C4, C8, C18…), il est possible de séparer des composés protéiques de différentes tailles.
Cette méthode se caractérise par une sensibilité, une résolution et une reproductibilité élevées. Elle présente néanmoins, l’inconvénient d’être peu accessible par rapport à son coût et à sa mise en œuvre.

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