Les travaux réalisés sur le genre Pichia peuvent être classés en trois catégories : les études sur le rôle de ces levures en élaboration d’alcool industriel (Fleet et Heard, 1993; Jeffries, 2006), la production de protéines hétérologue (Cereghino et Cregg ,2000 ; Loegering et al., 2011) et les études sur les aspects métaboliques et cinétiques de la croissance. À ce jour, la plupart des recherches ont, principalement, porté sur les deux premiers points. Par contre, il y a peu de données bibliographiques sur les aspects cinétiques et métaboliques.
1- Caractéristiques et taxonomie
La morphologie de ces levures, sur divers milieux de culture, varie entre ovoïdes et allongées, selon la composition de ces derniers. Les levures du genre Pichia apparaissent sous microscope optique, en paire ou sous forme d’un pseudo-mycélium à courte chaine. Les cellules sont plus petites que celles de Saccharomyces sp. et se reproduisent par bourgeonnement (figure 1).
Par ailleurs, elles se reproduisent par voie sexuée en formant des asques contenant 1 à 4 ascospores (figure 2) (Kurtzman et Suzuki, 2010).
La taxonomie du genre Pichia, basée sur les techniques récentes de biologie moléculaire, est résumée dans le tableau 1.
Tableau 5 Classification taxonomique de Pichia (Kurtzman et Suzuki, 2010)
Règne | Fungi |
Phylum | Ascomycota |
Classe | Saccharomycetes |
Ordre | Saccharomycetales |
Famille | Debaryomycetaceae |
Genre | Pichia |
2- Besoins nutritionnels
2.1- Sources de carbone
Les sources carbonées sont d’une grande importance pour les levures puisqu’elles fournissent le carbone exigé pour la biosynthèse de constituants cellulaires variés tels que les glucides, les lipides, les protéines, les acides nucléiques. etc (Botton, 1991). Les levures du genre Pichia peuvent fermenter le glucose, le saccharose, le maltose, le raffinose, le cellobiose et le galactose et peuvent assimiler l’éthanol, l’acide lactique, l’acide citrique (Kurtzman et Suzuki, 2010).
2.2- Sources d’azote
La plupart des levures sont capables d’assimiler différentes sources d’azote organiques et inorganiques pour la biosynthèse d’acides aminés, de protéines, d’acides nucléiques et de vitamines (Larpent et Larpent-Gourgaud, 1997 ; Guiraud, 1998). L’azote est utilisé par les levures sous plusieurs formes (inorganique ou organique). Les levures de genre Pichia ne sont pas capable d’utiliser les nitrates, la seule source d’azote inorganique assimilée est l’ion ammonium (Larpent, 1991).
2.3- Oligoéléments et facteurs de croissance
Les levures ont besoin d’éléments nutritifs pour assurer un développement adéquat. Il s’agit de sels minéraux et d’oligoéléments nécessaires à de très faibles concentrations (Suzuki et al., 1985).
Les oligo-éléments sont essentiels pour la cellule, puisqu’ils réagissent comme cofacteurs de divers enzymes impliquées dans le métabolisme microbien. Ils sont nécessaires en très petites quantités mais un excès provoquera la dénaturation d’enzymes et une perturbation de la morphologie et de la physiologie cellulaire et de la vitesse de croissance (Blackwell et coll, 1995). Les oligo-éléments augmentent la production de l’éthanol de 20% par Pichia sitipitis (Guebel et al., 1989).
De plus, d’autres facteurs sont essentiels comme les vitamines (la biotine, la thiamine et l’acide pantothénique), qui interviennent lors des réactions enzymatiques, comme des coenzymes (Botton et al., 1990).
3- Mécanismes de production d’éthanol
Trois comportements métaboliques peuvent être distingués chez les levures selon la façon dont elles dégradent la source de carbone utilisée pour produire leur énergie: oxydatif, fermentaire et respiro-fermentaire (Kappeli, 1986 ; Botton et al., 1991). Le type métabolique, lui-même, varie selon l’environnement (présence d’oxygène), la source de carbone et l’espèce de la levure considérée (Barnett, 1976). Les levures du genre Pichia ont un métabolisme varié (Toivola et al., 1984; Bouix et Leveau, 1991 ; Fiaux et al., 2003). Cependant, la production d’éthanol s’effectue grâce au métabolisme fermentataire et respiro-fermentaire.
3.1- Métabolisme fermentair
Cette voie métabolique se déroule en anaérobiose. L’acide pyruvique produit à la fin de la glycolyse est décarboxylé en acétaldéhyde, lui même réduit en éthanol grâce au NADH+ formé au cours de l’oxydation du glycéraldéhyde-3-phosphate (figure 3). Ce métabolisme est moins énergétique que le métabolisme oxydatif (Guiraud et Rosec, 2004).
3.2- Métabolisme respiro-fermentaire
Le métabolisme respiro-fermentaire est obtenu lorsqu’il existe une production d’éthanol simultanée à une activité respiratoire (production d’éthanol en présence d’oxygène). Lei et al., (2001) ont fourni une interprétation du shift du métabolisme des levures basée sur le phénomène d’overflow au niveau des nœuds pyruvate et acétaldéhyde (figure 3). Au niveau du nœud pyruvate, l’enzyme pyruvate déshydrogénase a une affinité plus forte pour le pyruvate que l’enzyme pyruvate décarboxylase. Aux faibles flux glycolytiques, le pyruvate est converti via la pyruvate déshydrogénase vers le cycle de Krebbs (figure 2). Quand le flux glycolytique dépasse une valeur critique, la pyruvate déshydrogénase est saturée et l’acétaldéhyde est formé et, préférentiellement, converti en acétate. En revanche, lorsque l’acétaldéhyde déshydrogénase est saturée, l’acétaldéhyde serait transformé en éthanol (Postma, Verduyn et al., 1989; van Urk, Schipper et al., 1989; Verduyn, Postma et al., 1992; Feria-Gervasio et al., 2008).