Les végétaux sont capables de lutter contre les conditions stressantes en produisant des composés dits osmoprotecteurs (ou solutés compatibles). Ces composés, par leur concentration, assurent l’ajustement osmotique entre le cytosol et la vacuole. Différentes molécules peuvent jouer le rôle de solutés compatibles, pour les acides aminés, la proline, l’alanine, la ß-alanine et la taurine sont les plus connus.
Des ammoniums quaternaires comme la glycine bétaine, la ß-alaninebétaine, la choline-o-sulfate et la glycerophosphorycholine ainsi que des sulphoniums tertiaires comme le 3-dimethysulfonipropionate sont également rencontrés. Enfin, les carbohydrates comme le tréhalose, le glycérol, le mannitol, le sorbitol ou le pinitol sont aussi fréquents. Non chargés, à PH neutre, hydrophiles, ils sont qualifiés de compatibles, car ils ne perturbent pas les interactions entre les macromolécules et le solvant. Leur structure chimique présentant des affinités pour les groupements carbonés des protéines, ils protègent ainsi leur intégrité structurale. Les composés non compatibles tendent à être exclus de la sphère d’hydratation des protéines, ce qui stabilise leur structure.
1 – La proline
La proline est un acide aminé non polaire avec une structure cyclique. Elle est très soluble dans l’eau. La proline ou acide pyrrolidine 2-carboxylique (C5H9O2N) par sa structure chimique qui contient des fonctions polyalcool et aminoacide manifeste des affinités pour les groupements carbonés des protéines, protégeant ainsi leur intégrité structurale. L’étude de l’accumulation de la proline chez les végétaux soumis aux contraintes mésologiques a été abordée par de nombreux auteurs et les résultats obtenus indiquent une augmentation dans la concentration de l’aminoacide proline chez les plantes exposées au stress du froid. La proline peut intervenir en régulant par l’augmentation de sa concentration la pression osmotique interne, mais aussi en inhibant les mécanismes d’auxésis (SAMAI, 1991). D’autres auteurs, proposent qu’elle constitue un stock d’azote utilisable par la plante postérieurement à la période de souffrance hydrique. (DIB et al. 1992) Additionnellement, la synthèse de la proline peut être incluse dans la régulation du PH cytoplasmique, (BELLINGER et LARHER., 1987).
Par conséquent, elle aide dans la stabilisation des protéines membranaires et des protéines libres, ceci suggère qu’elle a un rôle osmoprotecteur, du fait qu’elle est la plus accumulée dans les plastides, les mitochondries et le cytosol, mais non dans les vacuoles ; ceci suggère que les chloroplastes et les mitochondries importent la proline, et la vacuole a une activité exportatrice du moment que la concentration de la proline est faible à son niveau par rapport au cytosol au court du stress. Chez les plantes soumises à un régime de stress, Kemple et Mac Pherson (1954), Barnett et Naylor (1966) ainsi que Hubac et Chouard (1973), in Nemmar, (1983) soulignent une élévation de la teneur en proline et remarquent que cette accumulation est une conséquence directe du déficit hydrique. Hubac (1967) et Le Saint (1969) montrent que la proline exogène appliquée aux plantules augmente leur résistance à la sécheresse. Blum et Ebercon (1976) notent chez le sorgho l’existence d’une relation entre capacité d’accumulation de la proline et aptitude de récupération de la plante à l’issu d’un stress, et suggèrent que l’acide aminé sert d’énergie lors du retour aux conditions normales.
Dreier (1987) rapporte que l’augmentation de la teneur en proline est une réponse protectrice des plantes à tous les facteurs qui entraînent une diminution en eau du cytoplasme. En effet, le transport de la proline de la source (lieu de synthèse) au site de la résistance est admis depuis longtemps comme un paramètre important dans l’acquisition de cette résistance (Bellinger et al., 1989).
Chez les plantes supérieures, la proline est accumulée en cas de stress, aussi bien suite à une augmentation de sa production que par une réduction de sa dégradation (Nakastantinova et al, 1998 in Roeder, 2006). L’accumulation de la proline se produit après l’acquisition de la résistance, c’est plutôt une conséquence qu’une cause de l’endurcissement (Côme, 1992). La proline, localisée principalement dans le cytoplasme, agirait comme un cryoprotectant durant l’exposition de la plante à des températures gélives (Delauney et Verma, 1993;Galiba, 1994). Chez le tabac et A.thaliana, des études décrivent simultanément la sur-expression du gène codant la delta-pyroline-5-carboxylase et l’inactivation du gène codant la proline désydrogenase montrant que la plante résiste mieux à un stress salin (Roeder, 2006).
Enfin, la proline est souvent considérée comme un excellent marqueur de l’endurcissement au gel. La connaissance de la cinétique d’accumulation permet la caractérisation de la résistance des plantes (Hubac et Viera, 1980 in Moulineau, 2006).
2 – Les sucres solubles
Les sucres solubles dans l’eau constituent une source glucidique rapidement métabolisable et couvrent les besoins immédiats de la plante. Ce sont des intermédiaires métaboliques qui sont également une forme de transport et qui peuvent être, dans certains cas, considérés comme une forme de stockage. Ainsi, le saccharose, sucre soluble majoritaire de la plupart des espèces, contribue largement au stockage hivernale en s’accumulant dans les vacuoles. Son accumulation est initiée par une baisse des températures hivernales et contribue à augmenter la résistance au froid (Gomez et al., 2003). L’accumulation de sucres dans les cellules peut accroître la tolérance à la déshydratation chez les plantes via leur effet osmotique qui limite les pertes d’eau par la cellule. L’accumulation de sucres va réprimer l’expression de gènes de remobilisation des réserves, de photosynthèse voire la photosynthèse elle même et activer les gènes de stockage et métabolisme carbonés (Pego et al, 2000). Le saccharose et l’amidon sont les premiers glucides stables, issus des processus photosynthétiques du cycle de Calvin et de la voie du glycolate.
L’amidon s’accumule dans le chloroplaste, tandis que le saccharose synthétisé dans le cytosol est stocké dans la vacuole ou transféré vers les organes puits (NOURI, 2002). Beaucoup d’auteurs ont mis en évidence le rôle protecteur des sucres sur les membranes, en particulier mitochondriales (Todd, 1972 ; Duffus, 1989 in Bammoun, 1997; Duffus et Binne, 1990 in Bammoun, 1997). Leur présence permettrait le maintien des réactions de phosphorylation et de production d’énergie. Outre ce rôle protecteur des membranes, les hydrates de carbone protègent les processus par lesquels les enzymes sont synthétisés (Parker, 1968 in Bammoun, 1997), ce qui impliquerait une meilleure tolérance de la plante à la dessiccation et une meilleure résistance à la sécheresse (Duffus, 1989 in Bammoun, 1997). Cortes et Sinclair (1987), Geingenberger et al, (1997) ont attribué l’augmentation des sucres solubles à une dégradation des réserves amylacées suite à leurs conversions rapides en saccharose, fait qui pourrait aussi être attribué à une inhibition de la synthèse de l’amidon. Donc, leur accumulation résulte d’avantage d’un déséquilibre métabolique; que d’une adaptation réelle de la cellule au stress en altérant la compartimentation des métabolites.
Les principaux sucres solubles accumulés sous stress sont: le glucose, fructose et le saccharose (HARE et al., 1998), et ces derniers semblent jouer un rôle très important dans le maintien d’une pression de turgescence qui est à la base des différents processus contrôlant la vie d’une plante. Par ailleurs il a été observé que sous stress hydrique, les réserves amylacées sont progressivement utilisées suite à leur conversion rapide en saccharose, qui pourrait être associé à une inhibition de la synthèse de l’amidon (GEIGENBERGER et al. , 1997) ; donc le stress altère la compartimentation en faveur de la synthèse du saccharose, qui est attribuée d’une manière exclusive à l’activation de la Saccharose Phosphate Synthase (SPS), par une phosphorylation réversible des protéines (KIM et al., 2000; MASTRANGELO et al., 2000); et ceux ci suggèrent le rôle osmotique joué par le saccharose et les autres monosaccharides dans la baisse du potentiel osmotique et par voie de conséquence dans l’ajustement osmotique, chez les différentes plantes et leur confèrent une tolérance vis à vis du stress.
3 – Les protéines solubles
La plupart de ces osmolytes sont des composants azotés, ce qui traduit l’importance du métabolisme azoté sous conditions stressantes (BERGMANN et al., 1995). Une synthèse importante de protéines solubles accompagne ou procédé de l’acquisition de la résistance au stress, elle résulte du ralentissement de la croissance et d’un stockage des molécules dans le hyaloplasme ou dans certains organites (chloroplaste, mitochondries). Il semble que la synthèse de protéines spécifiques soit nécessaire à l’endurcissement (Côme, 1992).
Il est à noter que la synthèse des protéines est étroitement liée au métabolisme des sucres et la respiration à partir de l’Į-cétoglutarate intermédiaire du cycle de Krebs qui donne le squelette carboné pour la synthèse de la proline. Cependant, la synthèse des protéines, associé avec le catabolisme des sucres, pourrait jouer un rôle majeur dans la mobilisation de l’énergie métabolique requise durant le stress pour une compartimentation ionique et synthèse des osmolytes.
Durant l’exposition à des températures supra-optimale, on a une induction de synthèse d’une famille de protéines de faible masse moléculaires (HSPs), appelées protéines de choc thermique, qui présentent un intérêt physiologique très important. Ces HSPs représentent la plus grande part de protéines nouvellement synthétisées, qui doivent jouer un rôle important dans la protection de la cellule contre les effets délétères dus à une augmentation rapide de la température (Hopkins, 2003).
Les HSPs sont des chaperons (réassemblage des protéines endommagées), ou des protéases qui jouent un rôle crucial dans le repliement, l’assemblage et la dégradation durant les conditions normales de croissance et, en particulier en conditions de stress (Parsell et Lindquist, 1993 in Mary, 2003).
Par exemple, les protéines HSP 70 et HSP 90 joueraient un rôle dans la structure et l’assemblage des protéines au sein du cytoplasme et du réticulum endoplasmique (Pelham, 1986); ces protéines peuvent, d’autre part, participer au réassemblage des structures cellulaires endommagées par le choc de température. Le mécanisme d’action, la spécificité de substrat et les fonctions physiologiques précises des HSP restent à élucider. Burke et al., (1988) soulignent également l’incapacité des recherches à élucider quel rôle jouent les protéines induites par les chocs thermiques (Burke et Orzech.1988).
En plus d’un intérêt fondamental pour la compréhension de la ” réponse au choc thermique”, deux axes de recherche appliqué se sont développés visant à investiguer la possibilité d’utiliser l’expression de HSPs comme biomarqueur de souffrance cellulaire d’une part et, d’autre part, d’exploiter ses fonctions comme moyen de protection des cellules contre les contraintes environnementaux.
4 – La chlorophylle
La chlorophylle est très importante dans le processus de la photosynthèse. En effet, elle est un catalyseur pour les réactions. La température affect à court et à long terme la photosynthèse, les plantes peuvent, à des degrés divers, s’acclimater à des changements, cette acclimatation peut provoquer une baisse de la photosynthèse (Cornic, 2007). La modification de la composition et des teneurs en pigments serait donc un caractère d’adaptation au milieu (Foyer et al, 2002). Face à des températures sub-optimale, les plantes réduisent leur teneur en chlorophylle a et b et accumulent de la zéaxanthine et de l’anthéraxanthine (Hldimann, 1999). Le stress provoque l’apparition de chlorose mais aucun phénomène de photoinhibition n’est constaté (Foyer et al, 2002). L’effet de la chaleur est vite apparu sur la synthèse de chlorophylles, ainsi la chlorophylle totale (a et b) inhibée de 70% environ. On a constaté que le système de synthèse est donc affecté principalement à la source: la synthèse de l’ALA, la synthèse des cytochromes est aussi affectée par le choc thermique (Cornic, 2007). La tolérance au froid provient de la capacité à maintenir une forte concentration en pigments, à maintenir et à former un appareil photosynthétique fonctionnel, un génotype tolérant conserverait une activité photosynthétique, une quantité de chlorophylle a et b et un rapport a/b suffisant pour continuer sa croissance sans pour autant subir des dommages photooxydatifs. D’une façon générale les basses températures ont une faible incidence sur la capacité photosynthétique, par contre il semble bien que la sensibilité thermique est surtout marquée pour les températures élevées, la sensibilité de l’enveloppe contrastant avec la fluidité provoquée des membranes internes (Krause et Santarius, 1975 in Gallais, 1984).