La verticilliose de l’olivier

II. La verticilliose de l’olivier
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La verticilliose causée par un champignon tellurique, verticilluim dahliae, est une maladie vasculaire connue dans de nombreuses régions du monde (Harrington et al., 2000), ce pathogène est très répandu puisqu’il attaque un grand nombre d’espèces, aussi bien ligneuses qu’herbacées. Sur l’olivier, le champignon a été décrit pour la première fois en Italie (Ruggieri, 1946) puis signalé dans différents pays du bassin Méditerranéen, Espagne, France, Syrie (Civantos, 1999).
La maladie a été aussi signalée en Algérie depuis le début des années 1990 (Benchabane, 1990) et depuis ne cesse de s’étendre sur de nombreuses oliveraies en Algérie (Alia, 1991; Abderhamani, 1992; Bellahcene et al. 2000; Benadjal, 2007). Ces études ont montré l’importance des dégâts de cette trachéomycose et les conséquences néfastes sur l’arbre, souvent irréversibles.
Il est connu sous le nom vulgaire de vericilosis del olivo en Espagnol, verticilluim wilt en anglais, verticilliose de l’olivier en français et tracheoverticillosi en italien.

1.            Classification et caractéristique morphologique

Le genre Verticillium a été mis en évidence pour la première fois en 1816 par Nées Von Esenbeck. Basé sur la morphologie de ses conidiophores (Heffer, 1995).
L’agent infectieux V. dahliae est un champignon imparfait, haploïde et dimorphe (Pegg Et Brady, 2002 ; Kosterman et al. 2009), les données bibliographiques (Fradin et Thomma, 2006; Lopez-Escudero et Mercodo-Blanco, 2010; Martin-Lappier, 2011) le classent comme suit :
Régne :                Fungi
Phylum :             Ascomycota
Sub-phylum :                           Pezizomycotina
Classe :                           Sordariomycétes
Sous classe :                                  Incertaesedis
Ordre :                           Phyllachorales
Famille :              Plectosphaerellacea
Genre :                Verticillium
Espèce :              Verticillium dahliae (Kleb.)

2.              Description de l’agent causal

Le genre Verticillium a été classé en fonction de ses caractéristiques morphologiques distinctives et ses conidiophores verticillées. Morphologiquement V. dahliae présente un mycélium végétatif hyalin, cloisonné et multinuclé. Les conidies sont hyalines, ovoïdes ou ellipsoïdes, et habituellement unicellulaires. Elles mesurent 3-6 x 1.5-2 μm. Elles peuvent être trouvées individuellement ou en groupe. Elles sont portées sur des phialides disposées en verticille sur des conidiophores (Fradin et Thomma, 2006).

3.             Symptômes de la maladie

Le V. dahliae affecte en premier temps les racines de jeunes plantes, colonise les cellules du xylème et du phloème, puis les tiges ainsi que les feuilles par le flux de la sève.
Cela provoque des lésions vasculaires avec des perturbations circulatoires qui se traduisent par deux types de symptômes (Jabnoun-Khiareddine et al., 2007): Le dépérissement rapide, aigu
«apoplexie» et le dépérissement lent, chronique :

3.1             Le dépérissement rapide ou « apoplexie »

Ce syndrome se caractérise par un desséchement rapide des feuilles, impliquant un flétrissement sévère des branches principales et secondaires, qui se produit principalement de la fin de l’hiver au début du printemps. Les premières feuilles deviennent chlorotiques, puis tournent au brun clair, et subissent dans certains cas des enroulements vers l’intérieur, tout en restant attachées aux branches.
Ce dépérissement arrivera à toucher à la fin les branches et les rameaux. Chez les jeunes arbres (âgés de 5 à 15 ans), il est très fréquent de constater la mort de l’arbre entier lorsque l’apoplexie atteint les jeunes plants.
Toutefois la défoliation partielle de l’arbre peut se produire avant la mort de celui-ci. Dans d’autres cas, chez les arbres jeunes ou adultes, les feuilles séchées peuvent rester attachées aux pousses et aux branches (López- Escudero et Blanco López, 2001; Bellahcene, 2004).

3.2             Le dépérissement lent

Il se caractérise par une nécrose des inflorescences. Les fleurs se momifient et restent attachées à l’arbre. Les feuilles sur les pousses affectées prennent la couleur vert terne et tombent avant  le flétrissement, sauf pour celles qui se trouvent à l’extrémité distale des pousses. Habituellement, les symptômes des inflorescences se développent avant que les symptômes foliaires apparaissent. Enfin il s’en suivra la nécrose des pousses. L’écorce des pousses affectées, devient brun rougeâtre, et les tissus vasculaires intérieurs montrent une coloration brun foncé. Les symptômes apparaissent au printemps et progressent lentement jusqu’au début de l’été (Jabnoun Khiareddine et al., 2007; Colella et al., 2008).
Les branches affectées ainsi que le tronc principal de l’arbre, montrent souvent une teinte pourpre avec des lésions nécrotiques assez importantes situées dans l’axe présenter un seul ou plusieurs symptômes cités et cela en fonction de la durée de la période propice de la maladie (Vallad et Subbarao, 2008). Plusieurs auteurs ont observé des vaisseaux obturés de thylles, et de gommes au niveau des zones infectées. Ces substances sont sécrétées par les cellules de l’hôte en réaction à l’effet de divers enzymes de V. dahliae (Boukenadel, 2002). La guérison est un phénomène naturel communément associée à des mécanismes qui permettent aux arbres de surmonter les blessures, et peut être activée après les infections causées par des pathogènes vasculaires tel que V. dahliae. Par ailleurs, ce rétablissement naturel a été particulièrement observé chez l’olivier (Mercado-Blanco et al. 2001; Markakis et al. 2009).

4. Cycle de développement de dahliae

Verticillium dahliae peut survivre dans le sol durant plusieurs années, jusqu’à 20 ans, sous forme de microsclèrotes (amas de cellules de 0.1 à 0.5 mm) libres ou dans des tissus infectés (Civantos, 1999; Julien, 2005). Parasite facultatif, son cycle de développement se déroule en 2 phases, une phase saprophytique qui comprend une période d’activité et une phase parasitaire qui se déroule dans la plante-hôte (Fig. 06) (Hiemstra, 1998).
Pendant la phase saprophytique, le champignon pérennise, sous forme de microsclérotes, plus de 14 ans dans le sol, aux dépens des débris végétaux et des matériaux organiques
(Triki et al., 2006). C’est ainsi qu’il se dissémine par le mouvement des sols infectés, les débris végétaux infectés, l’eau d’irrigation, l’équipement agricole, le vent, les insectes telluriques, prédateurs, polinisateurs…etc. (Civantos, 1999; Klosterman et al., 2009; Chawla et al. 2012). Il résiste aussi bien au froid qu’à la chaleur et supporte des écarts thermiques allant de 30°C à 55°C (Schnathorst et Mathre, 1966). Le saprophyte s’active et redevient agressif au rétablissement des bonnes conditions de température et d’humidité du sol.
La phase parasitaire du champignon débute par la germination des microsclérotes en réponse aux exsudats racinaires de l’olivier. Il en résulte une émission des hyphes qui colonisent le cortex des racines. Le mycélium s’introduit par l’extrémité ou par les cellules épidermiques (Garber, 1966) et gagne ensuite via la sève les vaisseaux du xylème, c’est l’infection primaire (Fradin et Thomma, 2006 ; Vallad et Subbarao, 2008).
Le parasite se reproduit asexuellement dans les vaisseaux, à l’intérieur desquels il progresse, grâce aux transports des conidies par le flux de la sève ascendante aux pièces aériennes de l’arbre (Vallad et Subbarao, 2008), où elles constituent des foyers secondaires d’infection ; c’est l’infection secondaire (Garber, 1966).
La poursuite ainsi de l’infection du système vasculaire conjugué aux toxines émises par le parasite, font que la plante produise des dépôts gommeux qui obstruent les vaisseaux conducteurs y entravant ainsi le transport d’eau (Klosterman et al., 2009) et donne des symptômes de flétrissement qui se déclenchent sur les parties aériennes atteintes (Tombesi et al., 2007 ; Laoune et al., 2011).
A la fin du cycle d’infection, le champignon forme des microsclérotes dans les parties mortes de l’arbre. Cela permet le retour du champignon au sol et la reprise éventuelle d’un nouveau cycle infectieux (Fradin et Thomma, 2006 ; Klosterman et al. 2009).

Figure 06: Cycle de développement de V. dahliae (Berlanger et Powelson, 2000).
Figure 06: Cycle de développement de V. dahliae (Berlanger et Powelson, 2000).

5           Facteurs influençant la maladie

L’incidence de la maladie est plus grande dans les oliveraies irriguées (Civantos, 1999). Bien que la température soit l’une des plus importantes variables dans les études épidémiologiques, son influence dans l’apparition et le développement de V. dahliae a été à peine étudiée. Température optimale pour V. dahliae variait entre 22 et 25 °C qui coïncide avec le la température la plus favorable pour le développement de beaucoup de champignons (Garber et Presley, 1971). La gravité des attaques du champignon est favorisée par la température de l’air (20 à 25° C) pendant les jours de printemps, suivis des étés avec une amplitude thermique plus large mais avec des pics de jour ne dépassant pas 30-35 °C (Wilhelm et Taylor 1965; López- Escudero et Blanco-López 2001).
La plantation d’oliviers sur les terres ou ont été cultivées préalablement d’autres plantes sensibles telles que le cotonnier ou des cultures horticoles comme l’aubergine ou le piment favorise la maladie (Civantos, 1999).

6           Stratégies et méthodes de lutte

Compte tenu de la longévité des microsclérotes dans le sol, les pratiques culturales classiques comme la rotation des cultures (Stevens et al., 1994), la destruction des débris végétaux contaminés et des mauvaises herbes (Henni, 1982), l’enfouissement des engrais verts et des amendements organiques avant la plantation, s’avèrent souvent difficiles et sans grand effet (Wilhelm, 1951). Quant aux méthodes de lutte physique, telles que la stérilisation à la vapeur ou la solarisation, elles sont très coûteuses (Katan, 1981; Saremi et al., 2010).

6.1           La lutte chimique

En pratique, la lutte chimique constitue et de loin le type de méthode le plus utilisé pour la gestion de la verticilliose (Yangui et al., 2010; Alfano et al., 2011). Elle se fait par stérilisation du sol à l’aide de fumigants chimiques (le bromure méthylique) (Fravel et Larkin, 2000 ; Martin- Lapierre, 2011) ou l’utilisation de fongicides systémiques (méthyl-thiophanate, thiabendazole, bénomyl et carbendazime) (Henni, 1982; Boukenadel, 2001; Kumar et al., 2012). Ce recours aux produits chimiques, toujours valables dans certaines situations, engendrent cependant des coûts élevés et des impacts sur l’environnement (Nannipieri et al. 1990). Actuellement aucun traitement curatif n’a prouvé son efficacité (Arslan et  Dervis, 2010).

6.2           La lutte biologique

Dans un contexte d’oléiculture durable, la lutte biologique peut offrir de nombreuses méthodes de lutte alternative au traitement chimique (Uppal et al., 2008). Ce moyen de lutte met en œuvre différents organismes vivants, appelés auxiliaires, ou leurs produits, pour prévenir ou réduire les dégâts. Il s’agit d’utiliser surtout les microorganismes tels que Pseudomonas sp. et Bacillus sp. (Mercado-Blanco et al., 2004; Bounoua, 2008; Lang et al., 2012), Streptomyces plicatus, Frankia sp. (Bonjar et Aghighi, 2005), Serratia plymuthica (Müller et al., 2007), Glomus mosseae, G. intraradices, G. claroideum (Karajeh et Al-Raddad, 1999 ; Porras-Soriano et al., 2006 ; Kapulnik et al., 2010) et Trichoderma virens (Hanson, 2000). Ce moyen de lutte a malheureusement dévoilé un succès limité contre la verticilliose (Sanei et al., 2010).

6.3           La lutte génétique

La lutte génétique par l’utilisation des variétés résistantes demeurerait le moyen économiquement le plus efficace pour combattre ce fléau. (Liu et al., 2012). Cependant, V. dahliae présente une diversité génétique importante qui lui confère une grande variabilité de pouvoir pathogène (Cherrab et al., 2002). Ainsi, la variété Oblanga réputée résistante en Californie en faisant ses preuves pendant plusieurs années (Hartmann et al., 1971 ; Wilhelm, 1981) s’est révélée sensible en Grèce, avec l’apparition de nouvelle race de V. dahliae (Besri et al., 1984 ; Tjamos, 1984).
Des variétés résistantes à la race 1 de Verticillium a fait ses preuves pendant plusieurs années. Néanmoins, son efficacité a diminué avec l’apparition d’une nouvelle race, la race 2 (Besri et al., 1984 ; Tjamos, 1984), à laquelle aucune variété ne présente une résistance satisfaisante.

6.4           La lutte intégrée

La prise en conscience des limites des méthodes chimiques, biologiques et génétiques contre cette trachéomycose a incité les chercheurs à s’orienter vers le développement de la lutte intégrée. Cette lutte consiste dans l’emploi combiné et raisonné de toutes les méthodes (culturale, physique, chimique, biologique et génétique), pour réduire l’inoculum du champignon de façon efficace et maintenir les dégâts à un seuil économiquement tolérables, tout en respectant l’environnement (López-Escudero et Mercado-Blanco, 2010; Bubici et Cirulli.2011).

Source:

OGAB Saliha ET  ZOUDJI Fatima Zohra 2017.
Caractérisation morphologique, culturale et pathogénique de Vertcillium dahliae Kleb., agent causal de la verticilliose de l’olivier (Olea europea L.).
Université Abdelhamid Ibn Badis-Mostaganem.

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