1-Structure des lipopeptides
Les lipopeptides (LPs) se composent d’un cycle peptidique lié à une chaine d’acide gras. Il existe trois grandes familles de LPs: surfactines, iturines et fengycines dont la structure générale est un cycle peptidique de 7 L- et D-acides a-aminés (iturines et surfactine) ou 10 Let D-acides a-aminés: (fengycine et plipastatine) (Ongena et Jacques, 2008).
Les lipopeptides sont synthétisés par des peptides non ribosomaux synthétases (NRPSs) par le processus de «thiotemplate». En revanche, les polyketides synthétase (PKS) et les acides gras synthétases interviennent aussi dans la synthèse de la famille des iturines par le processus de «PKS/NRPS template» (Duitman et al., 1999; Tsuge et al., 2001; Hansen et al., 2007).
La famille des surfactines englobe les variantes héptapeptidiques d’esperine, lichenysine, pumilacidine et de surfactine. Le cycle héptapeptidique est directement lié à une longue chaîne hydrocarbonée (C12-C16), par une liaison ester. L’iturine A et C, bacillomycine D, F et L, et la mycosubtiline sont les six principales variantes de la famille des iturines. Dans le cas des iturines, l’héptapeptide est lié à l’acide gras (C14– C17) par une liaison amide.
La troisième famille comprend les fengycine A et B, ou plipastatine, si le Tyr9 est de configuration D. C’est un acyldécapeptide cyclique formant une structure lactonique constituée d’une chaîne d’acide gras 3-hydroxylée ayant 14 à 19 atomes de carbone liée à l’acide a-aminé (L-Glu).
Contrairement aux surfactines où la liaison ester est formée entre l’acide a-aminé C-terminal et le groupement hydroxyl de l’acide gras, la connexion de l’acide a-aminé C-terminal de la fengycine se fait avec le résidu Tyr3 de la séquence d’acides aminés (figure 10).
Yu Li et al. (2012) et Pathak et al. (2012) ont décrit de nouvelles classes de fengycines, à savoir fengycine A-C19, fengycine C:C15 – C18, fengycine D: C15 –C18 et fengycine S: C15–C18 (figure 11-a) et fengycine A2, B2 et C (figure 11-b), respectivement.
2- Rôles des lipopeptides liés au biocontrôle
Les lipopeptides interviennent dans plusieurs mécanismes de biocontrôle développés par les bactéries du genre Bacillus (figure 12). Ces mécanismes sont évoqués ci dessous:
2.1- Colonisation des racines des plantes
Les plantes créent un environnement nutritionnel et physicochimique spécifique pour le développement des microorganismes dans la rhizosphere (Bais et al., 2006). La colonisation des racines par les Bacillus est un processus complexe dans lequel les lipopeptides peuvent intervenir à différents niveaux. L’attachement et l’agrégation des microcolonies sous forme de biofilme est à la base du phénomène de colonisation (Ramey et al., 2004). Dans ce contexte, les études ont montré le rôle des surfactines et non pas des fengycines ou des iturines dans la formation des pellicules dans l’interface eau-air (Peypoux et al., 1999; Kinsinger et al., 2003).
Bais et ses collaborateurs ont mis en évidence le rôle des surfactines dans la formation d’un biofilme stable, de la souche B. subtilis 6051 sur les racines d’Arabidopsis (Bais et al., 2004). La suppression de l’expression des surfactines dans cette souche diminue le taux de colonisation et le biocontrôle de la maladie causée par Pseudomonas syringae (Ahimou et al., 2000). L’activité spécifique des surfactines dans l’adhésion cellulaire et / ou la formation de biofilm pourrait s’expliquer par sa topologie 3D, qui renforce son caractère amphiphile par rapport aux autres familles de LPS (Bonmatin et al., 2003; Peypoux, 1999). Les colonies bactériennes se déplacent sur la racine pour atteindre la niche la plus riche en nutriments. Ceci s’effectue par le phénomène de «swarming». Il s’agit d’un mouvement guidé par les flagelles, il permet aux bactéries de se déplacer sou forme de biofilm tout au long de la surface des racines. Ce mouvement dépend principalement de la production des biosurfactants (Raaijmakers et al., 2006; Daniels et al., 2004). Il a été récemment démontré que les surfactines et les mycosubtilines fonctionnent comme des agents mouillants, en réduisant la tension de surface (Leclere et al., 2006).
2.2- Antagonisme
Les activités antimicrobiennes des trois familles de lipopeptides ont été largement mises en évidence in vitro. En revanche, peu d’études associent le biocontrôle à la production in planta des lipopeptides. L‘iturine A produite par le B. subtilis RB14 augmente le taux de germination des plantes de tomates et les protégeait contre le pathogène racinaire Rhizoctonia solani (Asaka et Shoda, 1996).
La surproduction de la mycosubtiline par le B. subtilis ATCC 6633 a aussi conduit à une réduction de l’infection des plantules de tomate par Pythium aphanidermatum (Leclère et al., 2005). La contribution des iturines et des fengycines dans le contrôle de la phyllosphère du melon infecté par Podosphaera fusca a été mise en évidence par la récupération de ces LPs des feuilles traitées et en utilisant la technique «LP deficient transformant» (Romero et al., 2007). Preecha et al. (2010) ont démontré que la réduction de la sévérité de la maladie des plantes de soja causé par les Xanthomonas axonopodis pv.
glycines (KU-K-46012) est due aux surfactines produites par le B. amyloliquefaciens (KPS46).Le Bacillus subtilis GA1 qui produit de quantités importantes de lipopeptides et plusieurs homologues de fengycines protège les fruits de pomme contre Botrytis cinerea. Le rôle des fengycines a été démontré par traitement des fruits par des extraits enrichis et par récupération de ce lipopeptide, des zones d’inhibitions sur les fruits traités (Touré et al., 2004).
2.3- Induction du système de défense des plantes
L’implication des LPs dans le phénomène d’ISR a été démontrée sur divers pathosystèmes grâce à l’utilisation de LPs purifiés ou via l’utilisation de mutants possédant des motifs antigéniques modifiés. Les surfactines pures et les fengycines à moindre mesure fournissent le même effet d’induction de l’immunité des plantes de soja que celui établit par les cellules de la souche B. amyloliquefaciens (S499).
Dans une approche complémentaire, la surexpression des gènes de fengycines et de surfactines par le B. subtilis 168 est associé à l’induction d’ISR dans des plantes de tomates et de soja (Ongena et al., 2007). Le traitement des suspensions de cellules de tabac avec la surfactine seule, induit aussi des réactions immunitaires comme la phosphorylation, l’alcalinisation extracellulaire Ca2+ dépendante et le burst oxydative, sans provoquer la mort des cellules (Jourdan et al., 2009).