Récolte du safran

Récolte du safran
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C’est de loin le meilleur moment de la culture, celui que tous les safraniers attendent avec impatience même s’il est synonyme de récolte longue pouvant s’avérer pénible selon le climat et la pluviométrie.
C’est vers la fin de l’été que démarre la floraison des crocus et, dans la foulée, sa récolte. Le refroidissement des nuits lève la dormance des cormus. Ainsi, toute l’énergie accumulée dans les réserves amylacées du bulbe se libère pour donner naissance à la fleur. « A la troisième pluie d’automne après le 15 aout vient le safran » dit-on en Gâtinais (1).
Pour démarrer cette partie, nous allons d’abord rappeler quelques chiffres importants ; il faut environ 130 à 200 fleurs pour arriver à 5 g de stigmates frais qui, une fois séchés, donneront 1 g de safran. En France, on estime que la récolte de 1 000 fleurs de crocus se fait en environ une heure et que l’étape de l’émondage peut durer deux à trois heures .
Mais, comme précédemment lors de la partie plantation, nous allons nous baser sur l’exemple concret de la safranière de Richard Thiery dans les Vosges pour décrire la récolte du safran en la comparant à celle des siècles précédents et à celle d’autres safraniers actuels.

Cueillette

Traditionnellement, toute la famille participe à la cueillette du safran, qui a lieu, selon les années, les lieux et la météo, vers début octobre. Elle s’étale sur trois semaines et se fait quotidiennement dès le petit matin, à la rosée, puisqu’une fois les fleurs épanouies, elles sont rapidement sensibles à l’action de la lumière et de l’air, ce qui peut donner une décoloration des stigmates et une diminution de leur parfum. Les fleurs sont cueillies à leur base, à deux mains et seront ensuite déposées dans un panier d’osier ayant une forme originale (les bords du panier sont relevés de façon à protéger les fleurs du vent). Lorsque celui-ci est rempli, il est vidé dans une hotte, une manne (vaste panier rectangulaire) ou sur un drap étendu sur le sol au bord de la safranière.
La récolte sera quotidienne manuelle qui a lieu le matin vers 8-9 heures ; il est toutefois possible qu’il procède à une deuxième récolte vers 15 heures. Sur les six semaines de floraison (en général de fin septembre à mi-novembre), on peut apercevoir deux grands pics de floraison. En moyenne il récolte 1 500 fleurs par jour ; cela peut monter à 4 000 fleurs voire 6 000 fleurs, avec un rendement de ramassage d’environ 1 000 fleurs à l’heure.

Figure 18 : culture dans le Gâtinais
Figure 18 : culture dans le Gâtinais

Emondage

L’émondage des fleurs, ou, en langage plus familier : l’épluchage, est l’action de séparer les trois stigmates des autres organes de la fleur de crocus. L’objectif est de couper le style ni trop haut ni trop bas afin de garantir une qualité optimale.

Figures 19 : émondage de Crocus sativus [Plombières, novembre 2013]
Figures 19 : émondage de Crocus sativus [Plombières, novembre 2013]
Au siècle dernier, les hommes s’attelaient à la cueillette le matin et les femmes émondaient. L’émondage doit commencer le plus tôt possible, au maximum dans les vingt-quatre heures qui suivent la cueillette. A cette époque, l’émondage des fleurs était synonyme de convivialité et de gaieté comme le site Ursat en 1913 :
Lorsqu’il fait beau, les tables sont disposées au milieu de la cour ; souvent les voisins viennent aider au travail de l’épluchage. L’aspect de ces tables rustiques, garnies d’une multitude de fleurs violettes, entourées de travailleurs jeunes et vieux des deux sexes, est des plus pittoresques. Certains éplucheurs ont une habileté remarquable.
Le travail se continue le soir à la veillée, souvent fort tard, jusqu’à une heure ou deux et même quatre heures du matin. Les fleurs demandent à être épluchées le plus tôt possible, dans les vingt-quatre heures après la cueillette. On tâche de ne pas laisser le « levain » c’est-à-dire des fleurs non épluchées, pour le lendemain, et de ne pas se laisser « englaser », selon  l’expression employée dans la région. Les veillées se passent toujours gaiement ; le maître de la maison verse de temps à autre une rasade de vin blanc du pays, et distribue un gâteau appelé « fouée » ; les joyeux propos, les récits légendaires de la contrée s’échangent autour des tables, et lorsque la veillée se prolonge, chaque assistant entonne une chanson afin de ne pas céder au sommeil.
Un petit réveillon, arrosé de vin blanc nouveau offert par le safranier à tous les assistants, termine invariablement la veillée à la satisfaction générale .
Figure 20 : stigmates obtenus après émondage [Plombières, novembre 2013]
Figure 20 : stigmates obtenus après émondage [Plombières, novembre 2013]
Figure 21 : restes floraux [Plombières, novembre 2013]
Figure 21 : restes floraux [Plombières, novembre 2013]

Séchage

Le séchage demeure la partie la plus délicate et la plus critique. En effet, c’est cette étape qui conditionne la consommation du safran et sa conservation ultérieure. Elle détermine les qualités organoleptiques du safran telles que la couleur, la saveur, l’arôme mais également son pouvoir aromatique ainsi que ses propriétés médicinales.
La manière de sécher les stigmates s’avère différente selon les pays et les régions : poêle à bois, séchoir à pollen, air libre (Maroc), abrité ou non du soleil, four électrique, dessiccateur, etc. D’où les différentes variations de qualité que l’on peut observer d’un safran à l’autre.
Traditionnellement dans le Gâtinais, il y a environ un siècle, les safraniers suspendaient un tamis de crin à environ 45 cm au-dessus d’un brasier de charbon de bois ou d’un réchaud, chauffant à une température avoisinant les 60 °C. Les stigmates sont déposés dans le tamis, et au bout de trente minutes ils sont retournés. L’opération continue encore une quinzaine de minutes.
La dessiccation prend fin lorsque au toucher on jugera le safran comme léger, cassant avec des filaments parfaitement raides. Les stigmates ne mesurent plus que 2 cm et au poids, le safran sec doit perdre les 4/5e du poids frais de départ (11). Le taux d’humidité restant doit être au maximum de 12 % selon la norme internationale ISO 3632-1 de 2011.
Quant à notre safranier Richard Thiery, il s’emploie à un séchage « à l’ancienne », c’est-à-dire à température ambiante et dans l’obscurité. Pendant trois à cinq jours, les stigmates émondés sont placés sur du papier sulfurisé posé sur des clayettes. Ainsi, le séchage est lent et doux et ne subit aucune agression.

Figure 22 : séchage amateur chez Richard [Plombières, novembre 2013]
Figure 22 : séchage amateur chez Richard [Plombières, novembre 2013]
La dessiccation est donc une étape déterminante puisque, pendant le séchage, s’opère une véritable réaction chimique qui réorganise les molécules spécifiques de la plante avec libération de molécules d’eau .

Conservation et conditionnement

Le safran étant très hygroscopique, il doit être conservé après séchage dans un endroit sec pour éviter l’humidité qui lui fait perdre son arôme et le noircit .
L’idéal est de mettre les stigmates dans un pot en verre fermé par un bouchon de liège afin d’empêcher l’oxygène de passer et ainsi d’éviter une oxydation.

Figure 23 : production safran des payoux, [Plombières, novembre 2013]
Figure 23 : production safran des payoux, [Plombières, novembre 2013]
L’épice peut se consommer un mois après le séchage, sachant que la maturité optimale, aromatique s’acquiert en dix à douze mois. Le safran gardera ses qualités gustatives durant deux à trois ans pour laisser ensuite place à l’amertume.

Source:

Benosman, Sarah 2018. etude du suivi des étapes de greffage du citrus clementina sur citrus aurantium.

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