1. Caractéristiques et valeur nutritionnelle
1.1. Définition
Selon VEISSEYRE (1975), le Camembert est défini comme étant un fromage à pâte molle, à caillé non divisé en forme de cylindre plat.
Il a un diamètre de 10 à 11 cm et une épaisseur de 3 cm.
Il renferme au moins 40 % de matière grasse et 110 g de matière sèche.
C’est un fromage affiné à moisissures superficielles, originaire de Normandie (France).
1.2. Composition et valeur nutritionnelle
Le tableau III, donne une composition comparative du lait et du fromage.
Selon son mode d’élaboration, le Camembert renferme 30 à 50 % de matière azotée / matière sèche.
Il s’inscrit ainsi parmi les meilleures sources alimentaires de protéines ayant une digestibilité élevée (MIETTON, 1995).
De plus, la haute valeur biologique de ces protéines lui est conférée tant par leur composition équilibrée en acides aminés, que par leur propriété de former une pâte fromagère très appréciée par les consommateurs dans de nombreuses régions du monde.
La matière grasse du Camembert (25 à 40%) conditionne l’onctuosité de la pâte et constitue une source importante de la flaveur particulière conférée au produit fini (NEELAKANTEN et al, 1971).
Concernant le lactose, il faut noter que les fromages affinés sont pratiquement dépourvus de glucides car la faible quantité de lactose, restant dans le caillé après égouttage, est transformée en acide lactique au cours de l’affinage.
Pour les autres nutriments, le Camembert constitue un apport important en calcium. (200 à 700 mg/ 100g), en phosphore, en sodium et en vitamines (notamment du groupe B), (ECK, 1990).
Notons enfin que la dénomination petit Camembert est réservée à un fromage de diamètre réduit (80-85 mm de diamètre) dont l’extrait sec ne doit pas être inférieur à 60g et que la dénomination Véritable Camembert de Normandie est protégée par un label de qualité définissant notamment une aire de production.
Tableau III : Composition moyenne comparée du lait et des fromages Selon ALAIS et LINDEN (1993).
2. Les étapes de la fabrication
2.1 Nature de la matière première
La fabrication du fromage à pâte molle type Camembert exige l’emploi d’un lait de haute qualité bactériologique et physico-chimique.
Ainsi, dans les pays à grandes traditions fromagères tel que la France, ce fromage est élaboré, soit directement à partir du lait cru, soit à partir du lait pasteurisé.
Dans les pays où la production en lait cru est déficitaire (cas de l’Algérie où cet apport ne couvre que 40% des besoins), il est fait appel au lait recombiné, constitué de produits d’importation (poudre de lait et matière grasse laitière anhydre : MGLA) auxquels sont additionnés des volumes appropriés d’eau de reconstitution.
REMEUF et al (1991) soulignent en outre que l’aptitude à la transformation du lait en fromage est dépendante d’un certain nombre de paramètres dont :
– sa composition chimique (notamment sa richesse en caséines) ;
– sa charge microbienne et la nature de sa microflore ;
– son aptitude au développement des bactéries lactiques ;
– enfin, son comportement vis à vis de l’enzyme coagulante à savoir la présure.
2.2.Traitements préliminaires du lait
Aussitôt leur réception à l’usine, les laits sont triés en éliminant ceux impropres à la transformation fromagère (laits plus ou moins acides ayant une charge microbienne importante).
Après un entreposage à basse température (3-4°C), ils vont subir certains traitements technologiques (dont notamment l’homogénéisation et le traitement thermique) qui ont pour objectifs de permettre l’obtention d’un produit dérivé de qualité appréciable et ce avec un bon rendement de fabrication
(LENOIR, 1974 ; MIRANDA et GRIPON, 1986 ).
Néanmoins, il a été établi que ces traitements, quand ils sont pratiqués de façon anarchique engendrent plutôt des modifications physico-chimiques et nutritionnelles préjudiciables (FEUILLAT et al, 1976 ; LEMIEUX et al, 1994) dont nous relèverons plus loin certains de leurs particularismes.
2.2.1. La standardisation
Elle consiste à donner au lait la composition correspondante à celle du fromage à élaborer.
Elle est réalisée par un ajustement de la teneur en matière grasse (qui doit se situer autour de 28 g/l de lait) et parfois du taux de protéines (qui doit être supérieur à 31 g/kg de fromage)
(BERTRAND, 1988).
2.2.2. l’homogénéisation
C’est une action mécanique réalisée à une température supérieure à 60 °C dans un homogénéisateur. Elle a pour but de stabiliser l’émulsion de la matière grasse du lait par la réduction du diamètre des globules gras à environ 1 micron et ce grâce à une pression exercée sur le lait de 100 à 200 bars (BOURDIER et LUQUET, 1991).
2.2.3. les traitements thermiques
Les laits mis en œuvre dans l’industrie fromagère subissent des traitements thermiques préalables dont l’importance se manifeste dans leur assainissement ainsi que dans leur stabilisation.
Selon la température atteinte et la durée du chauffage, le traitement thermique utilisé influe, d’une part, sur la concentration de la flore microbienne initiale et, d’autre part, sur la composition physico-chimique du lait.
Les modifications qui en découlent engendrent dans la plupart des cas un changement des caractéristiques du lait et conditionnent pour une grande part la qualité du produit fini en particulier sa valeur nutritive (ECK, 1990).
Ainsi, la thermisation (traitement qui a lieu à 64°C pendant 15 à 20 secondes) est surtout utilisée pour détruire les bactéries psychrotrophes, qui se développent dans un lait ayant subi, soit une réfrigération à la ferme, soit un stockage réfrigéré au niveau de la fromagerie.
Ces bactéries surtout les espèces des genres : Pseudomonas, Achromobacter et Flavobacterium produisent des lipases et des protéases exocellulaires résistantes à la pasteurisation (72-74°C, 15-20 sec) et même à la stérilisation UHT (132°C, 1-2 sec)
(LENOIR et al, 1983).
Ces enzymes peuvent être responsables de goûts désagréables (malté, amer, rance), et de pertes de rendements fromagers.
Comme ce traitement ne peut présenter une protection sûre pour la santé du consommateur, car il ne détruit que partiellement les germes dangereux (BERTRAND, 1988), il est souvent fait recourt dans les industries fromagères à la pasteurisation qui présente l’avantage de détruire la totalité des germes pathogènes susceptibles de se trouver dans le lait et de réduire sa flore banale.
Pour cela, des barèmes appropriés (température / temps de chauffage) ont été proposés
2.3. Les étapes clés de la fabrication du Camembert
L’élaboration de ce type de fromage à caractéristiques organoleptiques particulières passe par la réussite de nombreuses étapes technologiques dont principalement : l’ensemencement – maturation, la coagulation, l’égouttage et enfin l’affinage.
2.3.1. La phase d’ensemencement – maturation
C’est l’étape d’introduction de la flore lactique sélectionnée qui va participer, d’une part, à la coagulation du lait (en provoquant l’acidification), et d’autre part, à l’affinage du fromage (rôle dans l’activité protéolytique).
Le lait (un petit volume) est ensemencé par des ferments lactiques mésophiles à une dose de 1,5 à 2% (LENOIR et al, 1983).
Un temps de maturation suffisant est laissé dans le but de permettre la multiplication et le développement des souches de bactéries lactiques inoculées (BERTRAND, 1988).
Une fois ses souches revivifiées, le levain (tel que préparé) servira à ensemencer les grandes cuves de coagulation.
On introduit également des levains fongiques qui jouent un rôle important dans le phénomène de l’affinage. Il s’agit de spores de Penicillium Camemberti, Penicillium caseicolum ainsi que Geotrichum candidum.
2.3.2. La coagulation
La coagulation se traduit par la formation d’un gel (ou coagulum) qui résulte dans le cas du Camembert, des modifications physico-chimiques qui interviennent autour des micelles de caséines et qui concourent à leur déstabilisation extrême.
Pour les fromages à pâtes molles, la coagulation est généralement mixte.
Elle est provoquée par l’action conjuguée de la présure (coagulation enzymatique) et les bactéries lactiques (coagulation acide) (tableau IV).
Dans le cas de la coagulation acide (provoquée par l’acide lactique d’origine bactérienne), l’abaissement du pH induit la solubilisation du calcium et du phosphate inorganique.
Par équilibre, le pont salin dégarni peu à peu les micelles. Ces dernières, vont se lier entre-elles et former un gel cassant, très friable et peu élastique (MIETTON, 1995).
La coagulation enzymatique est quant à elle due à l’action de la présure qui est une enzyme protéolytique provenant de caillettes de veaux non sevrés. Cette enzyme correspond en réalité à deux fractions actives :
l’une majeure (80 %), constituée par la chymosine, l’autre mineure (20 %), est représentée par la pepsine (ECK, 1990).
Il a été établi qu’au cours de la coagulation enzymatique, la présure en hydrolysant la caséine k au niveau de la liaison (Phe105- Met106), induit une déstabilisation des micelles de caséines qui vont peu à peu floculer pour former un gel ferme, compact et ayant une bonne cohésion (VEISSEYRE, 1975).
Tableau IV : Caractéristiques des deux modes habituels de coagulation du lait selon DESMAZEAUD (1992).
2.3.3. l’égouttage
C’est l’étape qui permet la séparation du lactosérum du caillé. Son but est non seulement de régler la teneur en eau du caillé mais aussi la minéralisation de ce dernier et son délactosage.
Selon BERTRAND (1988), il est possible de distinguer dans cette phase deux actions complémentaires :
– expulsion du sérum par le coagulum qui se contracte et se concentre (synérèse) ;
– séparation du sérum et du caillé par action physique.
La pâte obtenue est salée par addition de chlorure de sodium.
Le sel inhibe certaines proliférations microbiennes, complète l’égouttage du caillé et relève la saveur du fromage (ALAIS et LINDEN, 1993).
2.3.4. l’affinage
l’affinage correspond à une phase de digestion enzymatique où sous l’action d’enzymes, pour la plupart élaborées par la flore microbienne présente, les constituants du caillé sont dégradés.
La pâte est ainsi modifiée dans son aspect, sa texture et sa consistance, ce qui lui permet de passer sous la forme d’un produit élaboré dénommé fromage.
Selon MIETTON (1995), L’affinage est en fait la résultante de trois principales actions biochimiques qui se déroulent simultanément à savoir:
– la dégradation des protéines ;
– l’hydrolyse de la matière grasse ;
– la fermentation du lactose.
Comme cette étape constitue, pour une grande part, l’objet de notre étude, nous nous proposons d’examiner dans ce qui suit ses différentes réactions, particulièrement l’activité protéolytique.
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