Plusieurs chercheurs ont étudié le problème du phosphore dans les sols calcaires, et ont montré que les solutions diluées de phosphate ne précipitent pas dans ce milieu, cependant elles donnent lieu à une fixation très rapide à la surface des grains de CaCO3, cette fixation augmente avec la finesse de grain (Demolon,1968) .
Le pouvoir fixateur ( adsorption ) et l’insolubilisation sont considérés comme deux facteurs très importants de l’efficience des engrais phosphatés en milieu calcaire ( Duthil, 1976 ). Selon ce même auteur la fourniture d’ions PO4— dans un milieu calcaire est assurée par l’apport d’engrais et la minéralisation de la matière organique d’origine végétale ou animale, les ions libérés dans le milieu se répartissent de la manière suivante :
- Une partie reste à l’état dissout dans la solution du sol.
- Une partie se fixe sur les divers sites d’adsorption affectés par le milieu ( calcaire, argile, matière organique ).
- Et enfin une partie s’engage dans des réactions avec le calcium et le magnésium. Ces derniers se trouvent dans des proportions élevées à l’état libre et combiné en contribuant à l’élévation du pH, entraînant la précipitation de l’ion phosphorique (fig. n°15).
Il y a donc 2 principaux mécanismes : l’adsorption et l’insolubilisation du phosphate .
L’adsorption :
L’adsorption est fonction du pouvoir fixateur du sol. En sol calcaire ce pouvoir fixateur peut varier de 100 à 600 ppm pour porter la solution du sol au standard de 2mg/l ( Duthil, 1976 ). L’adsorption des ions (PO43-) sur le calcaire est une réaction chimique de surface conduisant à la formation de germes superficiels des phosphates calciques ( Arvieu, 1980 ). Ces derniers évoluent progressivement en hydroxylapatite (Ca10 (PO4)6 (OH)2) ou en phosphate octocalcique (Ca8 H2 (PO4)6 ) (Morel, 1996 ).
Selon Soltner ( 1986 ), le calcaire peut également fixé les anions PO43- sous forme assez facilement échangeable ou ” auto diffusible ” à condition que le pH ne soit pas trop élevé et que le sol soit riche en humus, et peut dans ce cas contribuer à la nutrition de la plante.
L’insolubilisation du phosphate :
La séquence d’insolubilisation du phosphore est bien connue depuis les travaux d’Arvieu (1972 ), ainsi que dans ses travaux ultérieurs (1974, 1980).
Dans les sols non calcaires, les phosphates monocalciques peuvent demeurer sous cette forme en sols neutres ou légèrement acides, mais se transforment en phosphates de Fer et d’Aluminium dés que l’acidité augmente ( Morel, 1996 ).
Dans les sols calcaires, une première réaction transforme le phosphate monocalcique en phosphate dicalcique dihydraté ( Arvieu, 1972 ).
Le dicalcique n’est pas stables et évolue vers des formes plus riches en calcium et de moindre solubilité.
Il se forme en particulier un phosphate intermédiaire : l’octocalcique selon les réactions :
Ces deux étapes se produisent d’autant plus tôt et avec une vitesse d’autant plus grande que la température ou la quantité de CaCO3 mise en expérience sont plus élevées (Arvieu, 1974 ).
On peut admettre que le phosphate monocalcique réagit rapidement avec le calcaire en donnant un mélange de dicalcique, tricalcique et hydroxyapatite en proportion variable et suivant les schémas suivants :
La réaction (a) est une réaction très rapide, les réactions b et c sont lentes et retardées par l’abaissement de la température .La réaction de CaCO3 sur le phosphate dicalcique dihydraté implique en effet l’hydrolyse de celui-ci, et aussi le phosphate octocalcique s’hydrolyse lentement à son tour avec dissolution du phosphore et formation d’apatite plus basique . Il est à noter que le dicalcique anhydre se transforme directement en hydroxylapatite. Avec le phosphate diammoniaque, Arvieu (1980) a pu constater que la précipitation des ions phosphoriques par réaction avec CaCO3 est lente mais il y a précipitation directe d’apatite très cristallisée en une seule étape :
Le phosphate tricalcique peut encore évoluer vers des formes plus calciques de type apatitique ( Duthil, 1976 ).
Toutes ces apatites, obtenues en milieu calcaire sont carbonatées, c’est à dire qu’à leur surface ou dans leur structure des ions CO32- viennent se substituer des ions PO43- . Notons, fait important, que cette évolution du phosphate monocalcique est corrélative d’une perte sévère de solubilité ( Morel, 1996 ).
La précipitation du phosphore par le calcaire donne des phosphates de rapport Ca/P variable notamment le dicalcique, l’octocalcique, le tricalcique et l’hydroxylapatite ( Boischot , 1968 ).
En menant une expérience sur le vieillissement du phosphore dans des sols calcaires, Gachon (1973) a trouvé que les phosphates solubles introduits dans ces sols se trouvent en majeur partie plus ou moins rapidement engagés dans des composés phosphocalciques de moins en moins solubles. Selon Duthil (1976), l’insolubilisation moyenne du phosphore en sol calcaire est de l’ordre de 30% des apports .
Enfin certains facteurs peuvent influencer la précipitation du phosphore en milieu calcaire :
- Réactivité du calcaire : la réactivité chimique du carbonate dépend de la finesse de cristallisation, les particules fine possèdent un pouvoir d’adsorption plus élevé que les grossières ( Dibbe, 1973 ).
- Présence d’ion Mg+ : Arvieu et Bouvier(1974) ont confirmé après leur étude concernant l’action des ions Mg2+ sur l’hydrolyse du phosphate dicalcique dihydraté et qui l’ont suivi par mesure du pH du milieu réactionnel que les ions Mg+2 modifient le processus d’hydrolyse du phosphate dicalcique dihydraté (DCPD). – Soit en retardant ou inhibant cette réaction,
- Soit en modifiant son déroulement et provoquant l’apparition des composés nouveaux : phosphate trimargnésien.
- La température et l’humidité : Une température élevée favorise la précipitation du phosphore et une humidité importante permet une mobilité plus grande des ions phosphatés.
- Substances humiques : la présence de faible quantité d’acides humiques en solution empêche la transformation de phosphate dicalcique (DCPD) en phosphate octocalcique (OCP) donc l’humus inhibe la précipitation des apatites ( Schaefer, 1976 ). Si l’excès de Ca++ conduit à l’insolubilisation du phosphore, l’humus agit comme un antidote .
Précipitation des phosphates de calcium ( P-Ca ) :
Parmi les différentes formes solides de phosphates de calcium ( tableau 9 ), les apatites sont les plus stables . Plusieurs substitutions isomorphiques sont possibles dont les formes les plus connues sont l’hydroxyapatite (HAP)
(Ca10(PO4)6(OH)2) et la fluoroapatite (FAP) ( Ca10(PO4)6F2) .
La phase initiale formée lors de la précipitation de phosphates de calcium dépend des caractéristiques de la solution. Zoltek (1974) rappelle que les formes trouvées dans différentes études diffèrent énormément . La théorie de Ostwald-Gay Lussac, généralement admise , établit que la forme thermodynamique la moins stable, et donc la plus soluble est souvent la plus facilement précipitable. Dans ces conditions, l’ordre de formation de précipités de phosphates de calcium serait : phosphate dicalcique, phosphate tricalcique, phosphate octocalcique puis les apatites si des impuretés ne perturbent pas le système .
La précipitation de phosphates de calcium dépend fortement des conditions physico-chimique de la solution. Les p.H. basiques favorisent cette précipitation comme le montre la figure 10.
Plusieurs caractéristiques de la précipitation homogène de phosphates de calcium ont été montrées dans des travaux de Song et al ( 2001, 2002 ) . On le comprend par le calcul de l’indice de saturation vis-à-vis de l’HAP, le pH, la concentration en calcium et en phosphore de la solution initiale sont des facteurs contrôlant la précipitation .
calculés pour une concentration en Ca de 1.10-3M(Stumm et al., 1996)
Tableau 9 :Différents composés de phosphates de calcium ( Stumm et al.,1996)
Composé | Formule chimique | Ca/P | |
1 | Hydroxyapatite ( HAP ) |
Ca10(PO4)6(OH)2 | 1 .67 |
2 | Fluoroapatite ( FAP ) |
Ca10(PO4)6F2 | 1.67 |
3 | Phosphate octocalcique ( OCP ) |
Ca4H(PO4)3 | 1.33 |
4 | Phosphate tricalcique ( TCP ) |
Ca3(PO4)2 | 1.5 |
5 | Phosphate dicalcique ( DCP ) |
CaHPO4 | 1 |
6 | Phosphate monocalcique ( MCP ) |
Ca(H2PO4)2 | 0.5 |
Interaction de P avec les éléments minéraux :
Selon Clément (1990) , les éléments nutritifs sont susceptibles d’exercer les uns sur les autres des actions qui aboutissent soit à stimuler, soit à inhiber leur absorption par le végétal (Tableau 10 ) .
Tableau 10 : Relation entre les éléments nutritifs (Loué, 1987)
P | K | Ca | Mg | Fe | Na | Mn | Cu | Zn | |
P | B | P | B | B | |||||
K | A | A | S/B | A | |||||
Ca | B | A | A | A | A | B | B | B | |
Mg | B | A | A | A | |||||
Fe | P | S/B | A | A | A | A | |||
Na | A | A | A | ||||||
Mn | B | B | A | A | |||||
Cu | B | A | |||||||
Zn | B | B | A | A |
A : Antagonisme
B : Blocage ou inhibition
P : Précipitation mutuelle
S : Synergie ou interaction positive.
Source:
ZEMOURA ABD EL KADER .2005 . étude comparative de quelques méthodes de dosage du phosphore assimilable des sols calcaires en région semi aride w de Batna.
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