En Algérie, la filière lait s’inscrit dans un contexte socioéconomique qui se caractérise par l’insuffisance de ses productions face à l’augmentation des besoins induits particulièrement par l’accroissement démographique de la population algérienne (BENYOUCEF, 2005).
Selon TAMMAR (2007), les besoins algériens en lait et produits laitiers sont très importants. Avec une consommation moyenne de 110 litres de lait /hab. /an selon les données statistiques du Ministère du Commerce de l’année 2005, l’Algérie en est le plus gros consommateur au niveau maghrébin ; et avec une population de 33,2 millions d’habitants en 2006, la consommation nationale s’élève à plus de trois milliards de litres. Face à cette demande de plus en plus importante, la production locale (2 milliards de litres) est loin d’y répondre due à l’insuffisance de l’offre fourragère qui pose encore de problèmes de taille contrariant les productions animales en Algérie (KADI et al., 2007).
En amont de la filière, la production laitière est assurée en grande partie (plus de 80 %) par le cheptel bovin ; le reste est constitué par le lait de brebis et le lait de chèvre. La production laitière cameline est marginale (BENCHARIF, 2001). Pour cela, on va s’intéresser au cheptel bovin dans notre étude bibliographique.
1. Politiques et stratégies :
1.1. Les politiques antérieures et leurs conséquences :
Les politiques de développement et de régulation de la filière lait menées après l’indépendance et jusqu’à la fin des années 1980, avaient pour principal objectif une amélioration de la consommation du lait et la satisfaction des besoins de la population (BENCHARIF, 2001). Pour atteindre cet objectif, le déficit de collecte était comblé par un recours quasi-exclusif à des importations de matières premières lactées (poudre de lait, matière grasse de lait anhydre pour la recombinaison industrielle d’une part et produits finis tels que les fromages, laits instantanés et beurre d’autre part), dont les prix mondiaux bas encourageaient le bradage de grandes quantités sur le marché ; en plus, les prix à la consommation ont été maintenus relativement bas grâce à l’octroi de subventions croissantes par l’Etat.
Par conséquent, il était plus intéressant pour les unités de transformation, de recourir à ces importations à bon marché que de soutenir la production laitière locale dont la collecte génère des surcoûts importants. La production locale a également été pénalisée par la faiblesse du prix du lait cru et du prix du lait industriel à la consommation, tous deux fixés par l’Etat (BENYOUCEF, 2005).
Selon BENCHARIF (2001), le prix du lait cru aux éleveurs est réajusté en retard par rapport aux augmentations des facteurs de production (entre 1986 et 1990). Les prix de vente des laits industriels ont toujours été fixés à des niveaux inférieurs aux coûts réels, la différence étant couverte par le Fonds de Compensation des Prix.
Une telle politique, selon le même auteur, a permis une augmentation rapide de la consommation du lait, mais elles s’est traduite par des contraintes économiques majeures qui ont perturbé le fonctionnement de toute la filière laitière ; elle a réduit les capacités de développement de la production nationale du lait cru, les agriculteurs ont souvent abandonné l’élevage laitier au profit de spéculations plus rémunératrices ; comme elle a engendré le découvert bancaire des entreprises de transformation qui ont d’ailleurs de plus en plus recours aux importations de lait en poudre au détriment du lait locale.
D’après BENYOUCEF (2005), avec l’avènement du phénomène de la mondialisation et la conjoncture économique difficile du marché laitier mondial (épuisement des stocks de laits et de produits laitiers européens induit par l’application des quotas laitiers) d’une part et la mise en œuvre de programme de transition d’une économie planifiée vers celle du marché et des nouvelles dispositions exigées par l’OMC d’autre part, on assiste à une reprise en hausse des prix internationaux des poudres de lait et de la MGLA.
Devant une telle situation, la filière lait dans son ensemble se trouve de nouveau affaiblie, on ne pouvait pas assurer un approvisionnement régulier à la fois vers les laiteries et vers le marché de consommation. Ce constat d’insuffisance d’approvisionnement laitier a été pris en considération en 1995 à travers la mise en œuvre d’une politique de réhabilitation de la production laitière nationale.
1.2. La politique de réhabilitation de la production laitière nationale :
Cette politique est articulée autour de trois principaux programmes : la promotion de la collecte du lait cru à travers une prime d’incitation de 4 DA par litre, octroyée à l’éleveur qui livre son lait à la transformation ; l’incitation à la réalisation de mini-laiteries par des financements prévus de 40 % à 60 % de l’équipement d’une mini-laiterie ; le développement du lait cru, par des promotions de l’insémination et de l’investissement à la ferme (BENCHARIF, 2001).
Force est de constater, selon ce même auteur, que ce programme de développement de la production laitière n’a pas atteint les résultats escomptés. Les interventions de l’Etat n’ont pas eu des conséquences significatives sur les niveaux de production laitière et de la collecte. Malgré son amélioration au cours des années 1995 et 1996, le taux de collecte a chuté pour se situer au dessous de 10 %. En fait, les subventions programmées n’ont été utilisées que partiellement ; les niveaux de consommation des montants accordés ont été faibles.
2. Evolution du cheptel bovin :
L’estimation de l’effectif du cheptel bovin et de leur croît annuel est faite sur la base des données statistiques fournies par le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MADR, 2008).
L’effectif bovin total est passé de 525 000 têtes en 1963 à 1 327 000 têtes en 1979 (Tableau n° 1), il a plus que doublé sur cette période avec un croît annuel de 10,98 % entre 1963 et 1969 et de 5,55 % entre 1970 et 1979. Durant les décennies 80 et 90, on a enregistré des valeurs de croît annuel plus faibles : 0,41 % entre 1980 et 1989 et 1,49 % entre 1990 et 1999 ; l’effectif est passé de 1 355 000 têtes en 1980 à 1 580 000 têtes en 1990.
Enfin, pour les années 2000, le croît annuel a régressé : 0,14 %, l’effectif est passé de 1 595 000 têtes en 2000 à 1 608 000 têtes en 2006. YAKHLEF (1989) a observé que le rythme d’évolution numérique du cheptel bovin par rapport au nombre d’habitants s’avérait lent. Cette situation persiste toujours.
L’effectif de vaches laitières est passé de 300 000 têtes en 1963 à 988 000 têtes en 1999. Il a plus que triplé avec un croît annuel de 11,05 % entre 1963 et 1969, 7,24 % entre 1970 et 1979, -1,70 % entre 1980 et 1989 et 2,86 % entre 1990 et 1999.
Cet effectif est, selon BENYOUCEF (2005), composé en majorité de vaches de races locales dont la souche base est la Brune de l’Atlas. Elle se caractérise en élevage extensif par de longs intervalles entre vêlages (plus de 18 mois) et une courte période de lactation (6 mois) donnant une faible production de lait. Elle reste pratiquement exploitée pour la production de veaux destinés à la boucherie. Quant aux vaches laitières de races importées dites bovin laitier moderne (BLM) en système de production intensif, elles sont composées essentiellement de races Frisonne Pie Noire, Pie Rouge de l’Est et Montbéliarde. Ce sont des races laitières bien répandues dans les régions littorales et sublittorales. On y rencontre également d’autres races bovines laitières (Holstein et Ayershire) dans des exploitations privées. Ces races ont été importées pour développer la production laitière. Elles donnent des résultats intéressants (3000 à 4000 kg de lait/vache/ an) quand elles se trouvent dans des conduites d’élevage appropriées. Enfin, les vaches de races améliorées issues de multiples croisements entre les populations locales et les races importée (BOULAHCHICHE, 1997 ; BENCHARIF, 2001).
D’après MADANI et al. (2003), depuis les années 70, l’Algérie faisait appel à l’importation des vaches laitières à haut potentiel génétique dans l’espoir de réduire la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger en matière de lait et produits laitiers.
Par contre, durant les années 2000, l’effectif a relativement diminué en passant de 996 000 têtes en 2000 à 848 000 têtes en 2006 avec un croît annuel de -2,48 %.
La situation de faible développement de l’élevage bovin laitier s’est accentuée récemment à cause des grandes mutations subies par le domaine foncier public et de la réorganisation des exploitations agricoles (BENYOUCEF, 2005).
Tableau n° 1 : Evolution du cheptel bovin de 1963 à 2006 (MADR, 2008)
Année | Total bovin (milliers de têtes) |
Vaches laitières (milliers de têtes) |
Croît total bovin (%) |
Croît vaches laitières (%) |
||||
B.L.M B.L.A | + | B.L.L | Total | |||||
1963 | 525 | 42 | 258 | 300 | 10,98 | 11,05 | ||
1969 | 871 | 70 | 429 | 499 | ||||
1970 | 885 | 71 | 436 | 507 | 5,55 | 7,24 | ||
1979 | 1327 | 101 | 720 | 821 | ||||
1980 | 1355 | 100 | 744 | 844 | 0,41 | -1,70 | ||
1989 | 1405 | 173 | 630 | 803 | ||||
1990 | 1393 | 206 | 591 | 797 | 1,49 | 2,86 | ||
1999 | 1580 | 245 | 743 | 988 | ||||
2000 | 1595 | 254 | 742 | 996 | 0,14 | -2,48 | ||
2006 | 1608 | 208 | 640 | 848 | ||||
B.L.M = Bovin Laitier Moderne ; B.L.A = Bovin Laitier amélioré ; B.L.L. = Bovin Laitier Local
3. Evolution de la production laitière nationale :
L’examen de l’évolution de la production laitière nationale par période montre qu’elle est passée en moyenne de 846,8 millions de litres durant la période 1984-1989 (Tableau n° 2) réalisant un croît global moyen de 7,1 % par an. Son évolution moyenne durant les périodes suivantes (1990-1999 et 2000-2004) a été respectivement d’environ 1 088 millions de litres et 1 592 millions de litres avec des croîts moyens respectifs de 5,2 % et 0,5 %.
La part du lait de vache dans la production laitière nationale a été de 50,7 % ; 79,6% et 69,4 % respectivement pour les trois périodes considérées (1984-1989 ; 1990-1999 et 2000-2004).
Selon BENYOUCEF (2005), les races laitières spécialisées (BLM), fournissent l’essentiel de la production réellement collectable pour la transformation industrielle.
Le taux de croissance annuel de la production du lait cru est resté relativement faible, compte tenu du potentiel des bassins laitiers existants et comparativement à l’essor de la demande en lait et produits laitiers qui ne cesse d’augmenter, en relation avec le soutien de l’Etat aux prix à la consommation du lait industriel (TAMMAR, 2007).
Tableau n° 2 : Evolution de la production laitière nationale de 1984 à 2004 (MADR, 2004)
4. Evolution de la collecte du lait cru :
La collecte du lait cru a atteint les 42,7 millions de litres en moyenne (Tableau n° 3) durant la décennie 1970 – 79, ce qui correspond à un taux de variation de collecte de 7,2 % et un taux de variation de l’intégration de 34,5 %. Durant la décennie 1980 – 89, la collecte a été en moyenne de 46 millions de litres avec un taux de variation de collecte réduit (2,2 %). Selon BENYOUCEF (2005), ces variations s’expliquent au départ par l’importation de vaches laitières en 1966 et le repeuplement des étables. Quant aux baisses de la collecte, elles peuvent être expliquées par l’augmentation de la transformation industrielle de lait recombiné à base de poudre de lait. Toutefois, les quantités collectées ont fortement progressé au cours de la première moitié de la décennie 1990 puisque multipliées par 3,7 entre 1990 et 1996, en passant de 37 millions de litres à 138 millions de litres ; selon BENCHARIF (2001), cela probablement en relation avec la forte amélioration des prix du lait cru qui est passée de 7 DA/l à 22 DA/l. Le taux de collecte a, par la suite, décliné jusqu’à l’année 1999. De ce fait, la part de la production nationale collectée a atteint un maximum de 15,2 % au cours de l’année 1996 avant de chuter à 7,7 % entre 1999 et 2000. En 2000, la collecte a atteint 101 millions litres de lait. Selon BENYOUCEF (2005), la production de lait cru disponible dans les exploitations agricoles reste encore faiblement intégrée dans la transformation industrielle. Au-delà des performances moyennes de production des élevages laitiers, la collecte constitue de façon évidente le maillon faible de la filière lait.
Tableau n° 3 : Evolution de la collecte du lait (MADR, 2004)
Source:
MERIBAI, Amel 2010 . Influence de quelques paramètres de production (alimentaire et race) sur la composition du lait aptitude à la coagulation par des succédanés de la présure.
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